Les salariés allemands devront bien travailler jusqu'à 67 ans: c'est ce qu'a annoncé mercredi la ministre de l'Emploi, malgré l'opposition croissante des syndicats et partis de gauche du pays au recul de l'âge de la retraite décidé il y a trois ans.

«Le gouvernement arrive à la conclusion qu'il faut s'en tenir à cette loi», qui fera passer progressivement d'ici à 2029 l'âge de la retraite de 65 à 67 ans, a déclaré la conservatrice Ursula von der Leyen.

Elle présentait un rapport sur l'activité des plus de 60 ans, d'après lequel 38,4% des personnes âgées de 60 à 65 ans travaillaient en 2009, contre 28% en 2005.

L'examen régulier de tels rapports avait été posé comme condition à l'adoption en 2007 de la réforme. La concrétisation de ce projet contesté avait ainsi été rendue tributaire de véritables chances sur le marché du travail pour les seniors.

Pour Mme von der Leyen, cette condition est remplie. Tout en reconnaissant que «le changement de mentalité dans les entreprises doit être plus rapide» pour faire de la place aux plus âgés, elle estime que ceux-ci ont été «les vrais gagnants sur le marché du travail ces dernières années».

La situation «s'est améliorée», mais «chez les plus de 60 ans on est encore relativement loin des taux qu'on a chez les 30-50 ans», tempère toutefois Martin Dietz, de l'Institut de recherche sur le travail (IAB).

Et surtout, confrontés au chômage, les plus âgés «ont de plus en plus de problèmes pour être réintégrés au marché du travail», explique-t-il.

Le débat sur l'âge de la retraite a repris avec vigueur en Allemagne, alors que le parti social-démocrate SPD, maintenant principal parti d'opposition, a remis en question le passage à 67 ans, pourtant décidé alors qu'il gouvernait.

Adversaires et défenseurs du projet s'affrontent à coups de statistiques, interprétant chacun à leur manière ce fameux taux d'activité.

Le syndicat IG Metall retient le chiffre de 15%, qui ne prend en compte que les emplois à plein temps, et pas les petits boulots. Et qui ne constitue «sûrement pas une raison de se réjouir» pour son président Bertold Huber. La réforme «ignore les conditions de travail dans les entreprises», dénonce-t-il.

À quelques mètres de la chancellerie mercredi, des membres du syndicat du bâtiment IG Bau paradaient en poussant des déambulateurs: «Voilà ce que vous verrez bientôt sur les chantiers allemands», s'exclamait Matthias Kirchner, cadre du syndicat.

«Ils sont en train d'adopter un rapport plein de beaux chiffres mais vous savez comme moi que les chances de travailler des plus âgés sont mauvaises», a critiqué pour sa part Michael Sommer, chef de la confédération syndicale DGB.

Le rejet du recul de l'âge de la retraite est un point central d'une vaste campagne lancée cet automne par les syndicats allemands contre l'injustice sociale. Des manifestations dans plusieurs grandes villes ont réuni le week-end dernier plus de 100 000 personnes.

Cette grogne est toutefois sans commune mesure avec les protestations qu'a occasionnées en France la réforme des retraites tout juste adoptée.

«En Allemagne nous avons tiré plus tôt les leçons du changement démographique», a expliqué Mme von der Leyen.

La chute de la natalité et l'allongement de l'espérance de vie mettent sérieusement à mal le système de retraite par répartition. L'Allemagne s'inquiète aussi de la perspective d'une pénurie massive de main-d'oeuvre.

Autant de raisons qui rendent «nécessaire et légitime» le recul de l'âge de la retraite, pour la ministre. Ceux qui le refusent «doivent m'indiquer une alternative».