Le gouvernement français, qui misait sur l'essoufflement du mouvement de contestation de la réforme des retraites, a perdu une manche hier face aux syndicats - sans pour autant montrer la moindre intention de reculer.

Les dirigeants des grandes organisations syndicales se sont félicités en fin de journée de la participation «record» à cette troisième journée de grève en un mois. Ils estiment 3,5 millions de personnes ont que manifesté à l'échelle du pays.

«C'est la plus grosse journée depuis le début du processus», a déclaré le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault. Son homologue de la CFDT, François Chérèque, a salué pour sa part des «manifestations sensiblement plus importantes», particulièrement en région.

Le ministère de l'Intérieur, tout en avançant comme d'habitude un nombre de manifestants largement inférieur aux estimations des syndicats, a toutefois reconnu qu'ils étaient plus nombreux que dans les journées de grève précédentes.

Cela est en partie imputable à la participation croissante des lycéens et des étudiants, que leurs associations ont exhortés à se mobiliser contre «l'autisme» du gouvernement.

Célia Theault, en terminale dans un lycée de la banlieue parisienne, s'était jointe hier avec une vingtaine d'amis au défilé qui partait du boulevard du Montparnasse, au coeur de la métropole.

«La réforme de la retraite, ça me concerne, c'est mon avenir», a expliqué l'élève de 18 ans, qui portait une pancarte qui disait que les jeunes «ne veulent pas des restes» en matière de retraites.

Selon l'Union nationale lycéenne, plus de 800 des 4000 établissements que compte le pays ont été touchés directement par la journée de mobilisation. Des élèves avaient dressé des piquets devant plusieurs dizaines de lycées.

Marianne Metois, étudiante au doctorat, distribuait à la foule des autocollants d'un parti de gauche. Elle croit qu'il est urgent que les jeunes se mobilisent. «Si on ne le fait pas maintenant, on va se faire avoir», a indiqué la jeune femme de 23 ans, qui avait participé, en 2006, aux manifestations contre le contrat première embauche (CPE), devant lesquelles le gouvernement avait fini par faire marche arrière.

Le report de l'âge légal de la retraite, que le gouvernement veut faire passer de 60 à 62 ans d'ici à 2018, va retarder la libération de centaines de milliers de postes et compliquer plus encore l'entrée sur le marché du travail des jeunes diplômés, déplore Mme Metois.

Le «vrai enjeu»

La mobilisation des jeunes inquiète le gouvernement français. L'entourage du président craint par ailleurs que plusieurs syndicats s'engagent dans des grèves reconductibles, en particulier dans le secteur des transports, fortement touchés hier.

Plusieurs assemblées générales sont prévues ce matin pour voter à ce sujet. C'est le «vrai enjeu» des prochains jours, a déclaré hier au quotidien financier Les Échos un conseiller du président Nicolas Sarkozy. La Société nationale des chemins de fer a déjà fait savoir que ses services seraient perturbés encore aujourd'hui.

L'entourage de Sarkozy ne cesse de répéter qu'il n'est pas possible de revoir les paramètres fondamentaux de la réforme, ce qu'a réitéré hier le premier ministre, François Fillon. Le gouvernement est allé «au bout ce qu'il est possible de faire» pour l'amender, a-t-il déclaré.

Le Sénat, afin de couper l'herbe sous le pied aux manifestants, a approuvé vendredi et lundi les articles sur le report de l'âge légal de la retraite ainsi que le report de 65 à 67 ans de l'âge requis pour recevoir une pleine pension. Mais ces étapes ne marquent pas la fin du processus législatif ni du conflit, soulignent les syndicats, qui ont déjà prévu une autre journée de manifestation samedi.

Le Parti socialiste a prévenu hier que l'entêtement du gouvernement ne peut mener «nulle part, sauf à des risques d'affrontement».