«Ca va être chaud»: Damien Thierry, maire élu de Linkebeek, petite commune de Flandre mais dont 86% des habitants sont comme lui francophones, se trouve aux avant-postes du conflit linguistique qui a provoqué les élections législatives prévues dimanche en Belgique.

À en croire les sondages, l'explication entre néerlandophones et francophones belges s'annonce d'autant plus musclée que les partis les plus nationalistes ont le vent en poupe en Flandre.

La Belgique telle qu'on la connaît depuis 180 ans pourrait même disparaître, reconnaît avec inquiétude M. Thierry.

Que la Flandre accède à l'indépendance ou pas, M. Thierry, pour la première fois candidat à la députation du Front démocrate fédéraliste (FDF), comprend que les temps vont être durs pour sa cause.

Linkebeek, 4 800 habitants, est l'une des six localités dites «à facilités» regroupant près de la moitié des 130 000 francophones de l'arrondissement électoral et judiciaire de Bruxelles-Hal-Vilvorde, dit «BHV» qui vivent dans la province du Brabant flamand.

Elu en octobre 2006 avec 60% des voix, M. Thierry, cadre quadragénaire d'une société pharmaceutique, n'est toujours pas reconnu maire par les autorités flamandes. Le motif? Son refus de se plier à l'interprétation, selon lui illégalement restrictive, qu'a la Flandre d'un accord passé avec les francophones dans les années 1960.

Suite à de dures négociations sur la fixation des frontières linguistiques, Bruxelles, à 85% francophone, a été limitée à 19 communes et s'est retrouvée enclavée en Flandre.

Dans six autres communes flamandes limitrophes de la capitale, dont celle de Linkebeek, des «facilités» administratives (droits spéciaux) ont en compensation été accordées à leurs habitants francophones, à l'époque déjà majoritaires ou en passe de l'être.

Cela les autorise à communiquer avec l'autorité communale dans la langue de leur choix.

L'autre moitié des francophones de la périphérie bruxelloise résident dans les 29 autres municipalités du district de BHV situées dans le Brabant flamand.

L'ensemble des francophones de ces 35 communes hors Bruxelles ont la possibilité de voter pour un parti de même langue -les formations politiques belges s'étant scindées selon des lignes linguistiques depuis que l'État belge s'est fédéralisé.

Ils bénéficient en outre de certains droits à être jugés dans leur langue dans les affaires civiles et commerciales.

Mais depuis 40 ans, affirme M. Thierry, la Flandre par divers arrêtés a  rogné les droits acquis par les francophones.

«Jusqu'en 1970 les conseils municipaux des communes à facilités se tenaient dans les deux langues», explique le maire.

Aujourd'hui, raconte-t-il, «les délibérations doivent se tenir en néerlandais seulement, et un inspecteur du gouvernement de la province du Brabant flamand y veille à chaque session».

Lui-même parfait bilingue -sa mère est flamande- M. Thierry estime que les circulaires de la Flandre qui lui interdisent d'envoyer des convocations électorales en français sont illégales.

La situation des francophones a été un peu plus précarisée lorsque la Cour constitutionnelle belge a statué en 2003 que l'arrondissement de BHV devait être aboli puisqu'il représente une exception à une réforme électorale adoptée en 2002.

L'impasse sur cette question entre francophones et Flamands a causé la chute du gouvernement en avril et la convocation d'élections anticipées, dont la légalité est contestée par certains, l'arrêt de la Cour sur BHV n'ayant toujours pas été appliqué alors qu'il aurait dû l'être au plus tard en juin 2007.