Les syndicats français appelaient jeudi à une journée de grèves et de manifestations, qui apparaît comme un test pour les opposants à la réforme des retraites du président Nicolas Sarkozy, conduite dans un contexte d'austérité économique partout en Europe.

Le syndicat CGT, le plus important en France, espère que le nombre des manifestants dans tout le pays dépassera les 800 000 personnes, comme lors d'une précédente journée d'action en mars.

Le succès de cette journée est «crucial» pour la suite des événements, a reconnu son secrétaire général Bernard Thibault, dans la mesure où le gouvernement veut aller vite et faire passer sa réforme à l'été. «On rentre dans le dur», a admis le premier ministre François Fillon.

La principale manifestation est attendue à Paris à partir de 14H30 (8H30 heure de Montréal). Selon des chiffres provisoires à la mi-journée, les enseignants étaient 16 % à faire grève dans les écoles et 12% dans les collèges et lycées. Peu de perturbations étaient visibles dans les transports, mais les cheminots ne seront pas concernés dans un premier temps par la réforme.

La contestation des syndicats et de l'opposition de gauche se focalise sur le projet du gouvernement de repousser l'âge légal de départ à la retraite, actuellement fixé à 60 ans, revenant sur un acquis social emblématique accordé en 1983 par le gouvernement socialiste du président François Mitterrand.

Cet âge légal est celui à partir duquel un salarié peut prétendre à une retraite à taux plein. Il est particulièrement favorable à ceux qui ont eu une carrière longue et un métier pénible, comme les ouvriers, alors que les cadres travaillent déjà souvent au-delà de 60 ans.

Le gouvernement considère cette option comme la plus à même d'assurer les besoins de financement du système, évalués à 70 milliards d'euros d'ici 2030 lorsque la France comptera 18 millions de retraités contre 15,5 millions aujourd'hui.

Il doit annoncer à la mi-juin le nouveau seuil, 62, 63 ans ou plus ainsi qu'un allongement de la durée de cotisations au-delà des 41 ans prévus en 2012, rejoignant ainsi la situation de la plupart des autres pays européens.

Le président Nicolas Sarkozy compte aussi sur cette réforme, présentée comme la dernière de son mandat, pour rebondir dans son camp après la déroute aux élections régionales de mars et pouvoir se représenter avec une image de «réformateur» à la présidentielle de 2012.

Du coup, la majorité de droite tire à boulets rouges contre le «conservatisme» du Parti socialiste et de sa patronne Martine Aubry, qui défend le maintien de la retraite à 60 ans et a présenté un contre-projet articulé autour une taxation des revenus du capital.

«En choisissant de politiser sa réforme et d'opposer une gauche "archaïque" à une droite "moderne", le chef de l'État fait un pari à hauts risques dans lequel se joue la fin de son quinquennat», juge le quotidien économique La Tribune.

Le gouvernement compte aussi sur les effets de la crise, avec l'annonce de plans d'austérité un peu partout en Europe, pour faire évoluer l'état d'esprit des Français.

«La crise est passée par là et nous a fait gagner 20 ans», a ainsi jugé le ministre du Travail Eric Woerth.

Ces dernières semaines, suite à la crise grecque qui a affolé les marchés et mis en péril l'existence de la zone euro, les annonces de plans de réduction des dépenses publiques se sont succédées, d'Athènes à Madrid en passant par Paris et Londres.

Dernier en date, le gouvernement italien a approuvé mardi soir une sévère cure d'austérité de 24 milliards d'euros sur les années 2011 et 2012. Ce qui a amené le plus important syndicat italien, la CGIL, à appeler à une grève générale en juin.