Le 1er décembre, à Gennevilliers, en banlieue parisienne, une femme de 37 ans est poignardée à mort par son conjoint, quelques heures après avoir confié ses enfants à une voisine par crainte pour leur sécurité.

Quelques semaines plus tard, à Meaux, en Seine-et-Marne, une femme de 29 ans est brûlée vive par son mari, dont elle est séparée depuis plusieurs mois. L'homme, «bien alcoolisé», est appréhendé quelques heures plus tard par la police.

En France comme ailleurs, la violence conjugale fait chaque semaine de nouvelles victimes. Au grand dam du gouvernement, qui a décidé de prendre les grands moyens pour endiguer le phénomène.

Le premier ministre François Fillon a annoncé mercredi le lancement d'un projet pilote dans lequel des hommes condamnés pour violence conjugale seront surveillés en permanence au moyen d'un bracelet électronique afin d'écarter les risques de récidive.

L'État «a pour mission de veiller à ce que les plus faibles soient protégés», a souligné M. Fillon en présentant le projet, inspiré d'une initiative lancée il y a quelques mois en Espagne.

Le gouvernement socialiste de Jose Luis Zapatero autorise les tribunaux à imposer aux hommes ciblés par une mesure d'éloignement un bracelet qui permet de les localiser en tout temps.

Signaux lumineux

Selon le quotidien Le Parisien, qui a pu visiter le centre de contrôle situé à Madrid à l'occasion d'une visite de la secrétaire d'État française à la Famille et à la Solidarité, Nadine Morano, une soixantaine d'ex-conjoints condamnés pour violence conjugale sont actuellement surveillés de cette manière.

Une dizaine d'opérateurs surveillent constamment les écrans, où sont visibles des signaux lumineux représentant les positions des hommes suivis et des femmes protégées, qui sont, elles, munies de téléphones spéciaux.

L'alerte est donnée lorsque le condamné s'approche à moins de 500 m de son ex-conjointe. L'opérateur appelle la victime et la guide vers un lieu sûr tandis que des policiers sont dépêchés sur place pour intercepter l'homme avant qu'il ne soit trop tard.

Depuis son lancement il y a quatre mois, le projet aurait entraîné une réduction marquée du nombre de morts imputables à la violence conjugale.

Un résultat que Mme Morano aimerait bien reproduire en France, où 160 femmes sont tuées chaque année par des conjoints violents.

«En France, 3600 mesures d'éviction du domicile conjugal ont été prononcées entre 2006 et 2008. Mais il est très difficile de garantir aux femmes que leur ex ne va pas débarquer... On doit se doter d'outils et ne pas avoir peur d'expérimenter», souligne-t-elle.

Deux poids, deux mesures

Le gouvernement français, qui compte par ailleurs créer un «délit de violences psychologiques au sein du couple», n'est pas le seul régime européen à s'intéresser à l'initiative espagnole.

La secrétaire d'État à l'Égalité du Portugal, Elza Pais, a déclaré que le pays testerait le système prochainement dans quelques villes du nord en vue de l'élargir à l'ensemble du territoire.

Le procédé intéresse aussi la Belgique, où le ministre de la Justice, Stefaan de Clerck, songe à utiliser les technologies de géolocalisation existantes pour suivre à la trace les condamnés dotés d'un bracelet électronique. Et pas uniquement dans les affaires de violence conjugale.

Les organisations de défense des droits des femmes françaises accueillent favorablement l'annonce du recours au procédé espagnol, tout en insistant sur la nécessité d'une approche globale du problème de la violence conjugale.

Bien que les lois aient été resserrées substantiellement, elles demeurent trop souvent inappliquées, souligne Maya Surduts, porte-parole du Collectif national pour les droits des femmes, qui dénonce la persistance d'une forme de «tolérance sociale» envers la violence faite aux femmes.

Elle évoque, à titre d'exemple, le fait que certains défenseurs du cinéaste Roman Polanski pensent qu'il doit être «excusé» d'une accusation de viol «du fait de sa notoriété et de son talent».

«Ce genre d'argument ne serait, et on ne peut que s'en féliciter, jamais invoqué dans des affaires de racisme ou d'antisémitisme. Deux poids, deux mesures», dénonce Mme Surduts.