La Cour constitutionnelle italienne doit reprendre mercredi l'examen à Rome de l'immunité pénale du chef du gouvernement Silvio Berlusconi, qui pourrait se retrouver devant les tribunaux et fragilisé politiquement en cas de décision défavorable.

Les 15 juges constitutionnels, en toge noire et collerette blanche sous les stucs et ors du Palais de la Consulta, ont écouté mardi un résumé des arguments des juges de Milan et Rome qui ont saisi la Cour, estimant la loi Alfano non conforme à la Constitution car contredisant le principe d'égalité des citoyens devant la loi. Ce texte suspend pour la durée de leur mandat les procédures pénales contre les quatre plus hautes charges de l'État: président, président du Conseil, présidents de la Chambre des députés et du Sénat.

La Cour a également écouté les exposés des avocats de Berlusconi, axés sur deux points: la loi Alfano n'est pas une immunité à vie mais une suspension temporaire des procédures et M. Berlusconi se distingue des autres citoyens par l'importance de ses fonctions. Pour eux, il ne peut pas exercer sereinement sa charge tout en préparant sa défense devant des tribunaux.

«Le président du Conseil ne peut pas être traité comme un parlementaire comme les autres, il doit être considéré comme le «primus super pares», le premier au-dessus d'eux», a plaidé l'avocat Gaetano Pecorella.

Son collègue Niccolo Ghedini a souligné que la loi Alfano tenait compte point par point de remarques faites par la Cour constitutionnelle lorsqu'elle avait rejeté en 2004 une précédente loi d'immunité (Schifani).

Selon les commentateurs, les 15 magistrats redoutent d'être accusés de subir des pressions et pourraient préférer attendre plusieurs jours que les eaux se calment, avant de rendre leur décision.

Silvio Berlusconi se considère comme la cible d'un complot après que son groupe Fininvest a été condamné samedi à verser un dédommagement très élevé (750 millions d'euros) à la holding Cir de son grand rival Carlo de Benedetti pour un litige remontant à plus de 20 ans.

Cir doit être indemnisée pour s'être vu ravir par Berlusconi le contrôle du groupe éditorial Mondadori, en vertu d'un arbitrage judiciaire datant de 1991, dont la justice milanaise a établi qu'il avait été «acheté» par Fininvest. Le juge qui a décidé l'amende a estimé que Berlusconi était «coresponsable dans l'affaire de corruption».

Très ébranlé par cette décision, Berlusconi a réuni dimanche ses enfants et des juristes pour étudier sa riposte face à cette «énormité juridique». Il a aussi affirmé qu'il irait au terme de son mandat de cinq ans car «rien ne nous fera trahir le mandat que les Italiens nous ont confié».

Si la Cour devait juger la loi Alfano anti-constitutionnelle, le Cavaliere, 73 ans, pourrait se retrouver rapidement jugé à Milan pour avoir versé 600000 dollars à son ex-avocat britannique, David Mills, en échange de faux témoignages dans des procès remontant aux années 90.

Or, selon les politologues, Silvio Berlusconi a peur des effets d'une relance de la machine judiciaire sur son électorat, bien davantage que de l'impact de ses relations présumées avec une mineure et des prostituées qui défrayent la chronique depuis mai.