L'hypothèse d'une dislocation en plein vol est exclue. Mais la raison pour laquelle l'Airbus 330 d'Air France entre Rio et Paris s'est abîmé en mer le 1er juin dernier avec 228 personnes à son bord reste toujours aussi obscure.

Le premier rapport d'enquête établi par le Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) et rendu public hier à Paris contient davantage de points d'interrogation que d'éclaircissements. «On connaît mieux le contexte, mais le mystère s'épaissit», estime Michel Polacco, le spécialiste des questions aériennes à France Info-radio.

 

«Ce qu'on sait, ajoute-t-il, c'est que l'Airbus a plongé pratiquement à la verticale de 10 000 m en 4 minutes et que le fuselage était entier au moment de l'impact sur l'eau. Mais le pourquoi de cette panne généralisée reste totalement inconnu.»

Pour l'instant, on en est plutôt à éliminer l'une après l'autre les fausses pistes qu'à tenter d'élaborer divers scénarios de la catastrophe. «L'avion n'a pas été détruit en vol. Il est arrivé entier au moment de l'impact», s'est empressé de déclarer Alain Bouillard, responsable de l'enquête au BEA, au cours d'une conférence de presse au salon de l'aviation du Bourget.

Cette hypothèse, avancée par des médias brésiliens, aurait pu s'expliquer par un incendie à bord ou même un attentat terroriste. Or, parmi les 640 débris matériels et restes humains récupérés à date, on n'a trouvé aucune trace d'incendie ou d'explosif.

Quant aux fameux tubes de Pitot, chargés de mesurer la vitesse de l'appareil, et qui avaient été mis en cause par deux syndicats de pilotes d'Air France, on sait qu'ils sont tombés en panne, selon le rapport du BEA, mais rien ne prouve qu'ils sont la cause du drame plutôt qu'un élément parmi d'autres d'une panne généralisée.

Si on fait la somme des 24 messages envoyés par l'A 330 ce 1er juin, on constate que se sont déconnectés le pilote automatique, le directeur de vol indiquant la trajectoire de l'avion et les indicateurs de vitesse. «Mais ces messages ne veulent pas dire que l'avion n'était plus pilotable. Ils veulent dire que l'avion était pilotable en manuel.»

Que s'est-il donc passé pendant ces quelques minutes pour que l'avion effectue une plongée à la verticale? Le BEA constate que les conditions météo, généralement mauvaises dans cette zone, n'avaient rien d'exceptionnel pour la saison. Les pilotes auraient pu envisager de contourner la masse nuageuse qui se trouvait devant eux et avaient suffisamment de carburant pour le faire. Comme il n'y a pas eu désintégration en vol, on exclut a priori que l'avion ait pu être touché de manière violente par la foudre. En tout cas, tout a dû se passer très vite, car selon le BEA, aucun gilet de sauvetage retrouvé n'avait été gonflé.

Parmi les dysfonctionnements signalés, on constate que les procédures d'alerte ont été déclenchées avec beaucoup de retard. La tour de contrôle de Dakar aurait dû signaler l'accident dès 2h20 (heure universelle), et l'alerte n'a finalement été déclenchée que six heures plus tard. Apparemment, les contrôleurs brésiliens auraient omis de transmettre le plan de vol de l'A 330 à Dakar.

«Les éléments dont nous disposons ne conduisent pas à maintenir la flotte des A 330 au sol», a précisé le porte-parole du BEA.

Avec AFP, Reuters, France Info

 

Les boîtes noires

Dans les milieux spécialisés de l'aéronautique, on est désormais fort sceptique concernant les chances de retrouver les boîtes noires de l'A-330. «À 100 km près, on ne sait pas où s'est produit l'écrasement en mer», estime Michel Polacco. Ce qui est sûr, en revanche, c'est que cette zone de l'Atlantique est particulièrement difficile à explorer, avec des fonds sous-marins variant de 3000 à 5000 m et un relief très accidenté. Le signal sonore émis par les enregistreurs de vol pourrait fonctionner dans le meilleur des cas jusqu'au 10 juillet. Après quoi, les autorités françaises ont annoncé leur intention de poursuivre les recherches encore un mois en à l'aide de robots et de petits sous-marins. Mais les espoirs de succès sont estimés bien faibles.

 

Liste noire

Environ 200 compagnies aériennes, provenant surtout de pays africains, sont interdites de vol dans l'Union européenne. Yemenia ne faisait pas partie de celles-ci.

Une compagnie aérienne peut se retrouver sur une liste noire pour plusieurs raisons: des problèmes techniques découverts au cours d'inspections, des avions trop vieux et dont la maintenance faut défaut, etc.

51 900 heures de vol

Selon Airbus, le A310 qui s'est écrasé mardi a été construit en 1990 et avait été racheté «d'occasion» par Yemenia qui l'utilisait depuis octobre 1999. Il avait approximativement fait 17 300 trajets pour un total de 51 900 heures de vol.