La dispute gazière entre Moscou et Kiev s'est encore envenimée mercredi avec une paralysie totale du réseau de gazoducs approvisionnant l'Europe via l'Ukraine, et le président russe Dmitri Medvedev a posé des conditions à la veille d'une réunion à Bruxelles.

«Pour la reprise des livraisons de gaz, il faut mettre en place un mécanisme de contrôle», avec la participation de responsables russes et ukrainiens du secteur de l'énergie, des observateurs européens et des sociétés de droit international», a déclaré M. Medevedev lors d'une conversation téléphonique avec son homologue ukrainien, Viktor Iouchtchenko.Le chef de l'Etat russe lui a également dit que l'Ukraine devait payer immédiatement ses dettes gazières et cesser d'empêcher le transit de gaz vers l'Europe, selon un communiqué du Kremlin.

En outre, «le prix pour le gaz doit être celui du marché, correspondant aux niveaux de prix européen (...). Il ne doit y avoir aucune réduction ou des tarifs préférentiels» pour l'Ukraine, a encore ajouté M. Medvedev.

Les propositions de M. Medvedev, qui regroupent les conditions déjà posées par la Russie, interviennent avant une importante réunion à Bruxelles jeudi, en vue de trouver une issue à la crise.

Les représentants de Gazprom, de la société nationale ukrainienne Naftogaz, des gouvernements russe et ukrainien et de l'UE doivent se retrouver pour discuter des modalités d'une reprise des livraisons de gaz en Europe, a annoncé le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso.

Cette interruption a provoqué de vives réactions en Europe: «si les livraisons ne sont pas rétablies d'ici à demain, nous verrons une intervention plus ferme de la présidence et de l'UE en tant que telle», a déclaré le premier ministre tchèque Mirek Topolanek, dont le pays préside l'Union européenne pour six mois.

Il n'a pas précisé quelle forme cette réaction pourrait prendre.

«La crise actuelle du gaz est beaucoup plus grave que celle qu'on avait connue en 2005-2006, elle est en quelque sorte inédite», a-t-il affirmé, «les deux pays sont plus agressifs lorsqu'il s'agit de faire valoir leurs intérêts».

Selon lui, non seulement les pays d'Europe centrale et des Balkans mais aussi l'Allemagne - principal client de Gazprom au sein de l'UE - «connaîtront des problèmes dans les prochains jours si la situation reste inchangée».

Dans la journée, le Premier ministre russe, Vladimir Poutine, avait ordonné à Gazprom de cesser toutes les livraisons de gaz naturel transitant par l'Ukraine pour empêcher le «vol» de gaz russe par Kiev, une accusation réfutée par la partie ukrainienne.

Le chef du gouvernement russe a averti que les livraisons de gaz russe transitant par l'Ukraine vers l'Europe reprendraient seulement après un accord sur le déploiement d'observateurs internationaux.

Au moins onze Etats européens, dont l'Autriche, la Roumanie, la République tchèque, la Bulgarie et l'Italie, sont désormais privés de gaz russe, tandis qu'une vague de froid glacial sévit justement sur le Vieux continent, avec des températures tombées à -30 degrés dans certains pays.

Nombre d'entre eux ont annoncé avoir commencé à puiser dans leurs réserves de gaz.

Pour l'Europe dans son ensemble, le transit du gaz par l'Ukraine est vital au plan énergétique. Un quart du gaz consommé sur le Vieux continent provient de Russie, dont 80% transitait jusqu'ici par l'Ukraine.

L'Ukraine et la Russie se sont, à leur habitude, mutuellement rejeté la responsabilité de cet arrêt des livraisons.

L'exacerbation de la dispute mercredi paraissait être un prélude à la reprise des négociations entre la Russie et l'Ukraine, interrompues depuis le 31 décembre au soir.

Une audition par le Parlement européen du patron du géant russe Gazprom Alexeï Miller et du vice-président de Naftogaz, Igor Didenko, est annoncée pour jeudi à Bruxelles.