Le pape François a annoncé samedi une enquête approfondie dans les archives du Vatican pour faire la lumière sur l'ex-cardinal américain Theodore McCarrick, déchu en juillet après des accusations d'abus sexuels, soulignant aussi en plein synode d'évêques du monde entier que l'omerta ne serait plus tolérée au sommet de l'Église.

Il s'agit de la première réponse donnée par le pape au « j'accuse » incendiaire d'un prélat italien retraité, ouvertement soutenu par une frange ultraconservatrice de l'Église catholique.

Cet ex-ambassadeur du Vatican à Washington, l'archevêque Carlo Maria Vigano, 77 ans, a accusé dans une lettre le pape argentin d'avoir sciemment ignoré durant cinq années des signalements sur les agissements du cardinal Theodore McCarrick, présenté comme un prédateur sexuel notoire jetant son dévolu sur des jeunes séminaristes et prêtres.

Ce réquisitoire virulent, se prévalant de preuves écrites et appelant le pape à démissionner, avait été lancé fin août en plein milieu d'un voyage de François en Irlande, pays meurtri par les abus passés de l'Église catholique.

Pressé depuis lors par de nombreuses voix de l'Eglise à répondre aux attaques, le chef des 1,3 milliard de catholiques est sorti samedi de sa réserve, sans toutefois évoquer le nom de Mgr Vigano.

Il a choisi de le faire trois jours après le coup d'envoi d'un synode d'évêques de quatre semaines consacré aux aspirations des jeunes, rassemblant au Vatican 267 cardinaux, évêques, patriarches chrétiens, membres de la Curie et religieux de tous les continents.

Des centaines de jeunes avaient appelé en amont du synode à une Église plus « transparente » et « honnête », prônant « la tolérance zéro » en matière d'abus sexuels.

Le Saint-Siège a stipulé samedi dans un communiqué avoir demandé dès « septembre 2017 » une enquête à l'archevêché de New York sur le puissant cardinal McCarrick, suite au témoignage d'un homme accusant le prélat d'avoir abusé sexuellement de lui dans les années 70.

Face aux « graves indices » ressortis de l'enquête, qui sera rendue publique « en temps voulu », le pape avait démis fin juillet Mgr McCarrick de son titre de cardinal, un fait quasi inédit. À 88 ans, il est désormais banni de toute apparition publique.

L'annonce avait ébranlé la hiérarchie de l'Église catholique américaine, juste avant la publication d'un rapport ravageur sur des abus massifs commis en Pennsylvanie.

Le silence « ne peut plus être toléré »

« En référence à d'autres accusations », le pape « a décidé de combiner les informations récoltées durant l'enquête préalable avec une étude supplémentaire approfondie de toute la documentation présente dans les archives des dicastères (ministères) et bureaux du Saint-Siège concernant l'ex-cardinal McCarrick, afin de vérifier tous les faits importants, en les replaçant dans leur contexte historique et en les évaluant objectivement », a annoncé le Vatican.

Mais il admet que cette plongée dans ses propres archives pourrait mettre en exergue des pratiques passées critiquables, allusion à l'omerta qui a prévalu dans la hiérarchie de l'Église durant des décennies, conduisant souvent à déplacer les prêtres pédophiles dans d'autres diocèses sans les dénoncer à la justice civile.

« Le Saint-Siège est conscient que pourraient émerger de l'examen des faits et des circonstances, des choix qui ne seraient pas cohérents avec l'approche contemporaine réservée à de telles questions », formule le Saint-Siège.

« Néanmoins, comme l'a dit le pape François, "nous suivrons le chemin de la vérité, où qu'il nous porte". Aussi bien les abus que leur couverture ne peuvent plus être tolérés et un traitement différent pour les évêques qui les ont commis ou couverts représente en fait une forme de cléricalisme qui n'est plus acceptable », assène le texte.

L'annonce d'une enquête au coeur du Vatican laisse pour l'instant en suspens les allégations très détaillées de Mgr Vigano contre François.

Elles mettent aussi en cause le pape émérite Benoit XVI et son prédécesseur Jean Paul II, qui créa Mgr McCarrick cardinal en 2001, après des premières alertes le concernant.

Mgr Vigano affirme que Benoît XVI avait imposé de discrètes sanctions au cardinal vers 2009-2010, avant le pontificat de François. Mais des photos montrent l'Américain rendant visite à Benoît XVI, juste après sa présumée disgrâce.