Alors qu'Air Force One sera encore dans les airs demain matin - avec à son bord Donald Trump qui s'apprête à mettre les pieds pour la première fois au Canada depuis le début de sa présidence -, au sol, les autres dirigeants du G7 ne perdront pas une seconde.

Un véritable plan de bataille diplomatique est en élaboration.

Hier, Emmanuel Macron et Justin Trudeau, qui jusqu'à maintenant avaient tout fait pour ménager leurs relations avec le président des États-Unis, ont dit conjointement lors d'une conférence de presse qu'ils ne laisseraient pas M. Trump imposer sa loi et qu'ils travailleraient ensemble pour défendre leurs intérêts.

Le président français, qui embrassait chaleureusement son homologue américain lors d'une visite à Washington il y a moins de deux mois, affirmait hier que rien n'oblige les membres du G7 à signer une déclaration commune, comme le veut la tradition. Le paraphe américain pourrait manquer à l'appel, a-t-il suggéré. « La volonté de signer un texte à sept ne doit pas être plus forte que notre exigence du contenu de ce texte », a dit M. Macron. 

« Je crois qu'on ferait une erreur si on disait qu'on est prêts à renoncer à tout, à ne plus dire que l'on tient à l'accord de Paris, au climat, au commerce pour avoir sept signataires. » - Emmanuel Macron

Le président français a aussi invité les autres membres européens du G7 - l'Italie, l'Allemagne et le Royaume-Uni, en plus de l'Union européenne - à une rencontre commune à La Malbaie à 10 h 30 ce matin pour préparer le front commun face à Donald Trump. « Le comportement américain conduit à recréer des alliances et à reforger le front européen », a-t-il dit hier.

Moins d'une heure après cette rencontre européenne, les dirigeants du G7 se retrouveront sur la terrasse du Manoir Richelieu pour une « photo de famille » qui risque d'être beaucoup plus crispée qu'à l'habitude.

Ils se retireront ensuite pour un déjeuner de travail à huis clos. C'est dans cette première discussion, qui touche la question de la croissance économique, qu'ils comptent demander à Donald Trump de revoir ses positions sur les tarifs douaniers qu'il vient d'imposer à ses alliés économiques sur l'aluminium et l'acier.

« Les dirigeants du G7 ont malheureusement assez peu d'autres moyens réels de convaincre l'administration Trump de changer d'idée », note Krzysztof Pelc, professeur d'économie politique à l'Université McGill.

LE FORUM TOUT INDIQUÉ

Le Sommet du G7 est un moment particulièrement bien choisi pour tenir cette discussion. À l'origine, en 1975, cette réunion entre les démocraties les plus industrialisées du monde a été mise sur pied pour que les dirigeants des pays membres se parlent de manière franche, dans un cadre informel.

D'ailleurs, quelques conflits s'y sont réglés, note John Kirton, fondateur et directeur du Centre de recherche sur le G7, qui suit de près les sommets de ce club des puissants depuis des décennies. Il cite en guise d'exemple des discussions ardues qui ont eu lieu dans le passé sur les questions des tarifs douaniers et des drogues. « Sur la deuxième question, Ronald Reagan a mis sur pied une initiative pendant la tenue du Sommet », rappelle-t-il.

« Plusieurs fois, les leaders ont été capables de résoudre des différends grâce à des conversations franches entre eux. Ou en petits groupes. » - John Kirton, chercheur

« C'est la raison d'être du Sommet », dit-il, comparant la réunion à une « thérapie de groupe » pour dirigeants sous pression.

Et le Canada a parfois joué un rôle important dans la résolution de ces différends. Charles-Philippe David, fondateur de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques, rappelle que le G7 a collaboré à la réconciliation des points de vue des pays membres sur le régime d'apartheid en Afrique du Sud, menant à sa chute. « Il y avait beaucoup de polémique autour de cette question et le G7 a contribué à convaincre Margaret Thatcher et Ronald Reagan », se souvient-il, rappelant que Brian Mulroney était au coeur de ce dossier.

UN INTERLOCUTEUR HORS NORME

À La Malbaie, le passé sera-t-il garant de l'avenir ? Rien n'est moins sûr.

Même Justin Trudeau, qui pèse chacun de ses mots quand il parle de l'élu américain, a reconnu hier que Donald Trump était « imprévisible », et tout particulièrement en matière de relations internationales. Sur la question de la Corée du Nord, le président américain souffle le chaud et le froid depuis des mois. Après avoir annulé une rencontre prévue le 12 juin avec le dictateur Kim Jong-un, il l'a remise à l'agenda et suggérait même d'inviter ce dernier aux États-Unis hier. Sur l'ALENA, sur les tarifs douaniers, il a fait vivre le même genre de revirements au Canada. « C'est très difficile de savoir ce qui va ressortir des discussions à La Malbaie avec un leader qui a un véritable déficit d'attention », note Charles-Philippe David.

Il faudra retenir son souffle jusqu'aux conférences de presse des pays-membres à la fin du Sommet samedi pour obtenir un début de réponse. À cette heure, cependant, Donald Trump, qui a déjà annoncé qu'il quittera le Sommet avant la fin, sera déjà loin de Charlevoix... et de ses alliés du G7.