Les jurés ont rejeté la thèse de la folie: Yoselyn Ortega, la nounou qui a tué en 2012 à Manhattan les deux petits enfants dont elle avait la garde, a été reconnue mercredi coupable des deux meurtres, ce qui risque de lui valoir la prison à perpétuité.

Après deux jours de délibérations, les 12 jurés ont reconnu Ortega coupable des quatre chefs d'accusation de meurtre retenus contre elle - deux pour chacun des enfants, Leo et Lucia Krim, âgés de respectivement deux et six ans au moment du crime, le 25 octobre 2012.

Le père des enfants, Kevin Krim, qui se trouvait dans la salle d'audience, a fondu en larmes au prononcé du verdict, murmurant un «merci» aux jurés, selon des journalistes présents à ses côtés.

Le procureur en chef de Manhattan, Cyrus Vance, a salué le verdict et rendu hommage à «la force» des jurés et au «courage» des parents Krim face à «ces meurtres horribles».

«Trouver un mode de garde pour ses enfants est l'une des décisions les plus difficiles qu'aient à prendre des parents (...) Je suis de tout coeur avec vous, comme je l'ai été chaque jour depuis cinq ans», a-t-il déclaré, Kevin Krim à ses côtés, lors d'une brève conférence de presse.

«Aucun parent ne devrait être confronté à la perte d'un enfant, surtout pas aux mains de quelqu'un en qui ils ont toute confiance».

Il a confirmé qu'il demanderait la prison à perpétuité lors de l'audience de sentence, prévue le 14 mai.

Un des jurés, David Curtis, a raconté, la voix étranglée, combien la décision avait été difficile à prendre, évoquant «des pleurs» dans la salle de délibérations et des jurés initialement «divisés» sur le verdict. 

«Merci d'avoir tenu le coup»

Cette affaire a eu un écho international grâce au roman de l'écrivaine franco-marocaine Leïla Slimani, Chanson douce, Prix Goncourt 2016, qui a souligné la différence de classes entre une famille très aisée et une nounou immigrée aux nombreuses difficultés personnelles et financières.

Yoselyn Ortega, originaire de République dominicaine, ne niait pas avoir tué à coups de couteaux de cuisine les enfants Krim dans la salle de bains de l'appartement familial, situé dans le chic quartier de l'Upper West Side, alors que la mère était partie chercher à un cours de danse son troisième enfant, Nessie, neuf ans aujourd'hui.

Mais durant six semaines de débats devant le tribunal de Manhattan, la défense a fait témoigner plusieurs médecins, notamment deux psychiatres, pour tenter de convaincre le jury que Mme Ortega ne pouvait être considérée comme responsable de son acte: ils ont estimé que la nounou, qui a tenté de se trancher la gorge immédiatement après les assassinats, avait montré de multiples symptômes de psychose.

Des proches de l'accusée ont également raconté comment Ortega avait souffert de dépression nerveuse dans le passé, et semblé perdre pied dans les jours précédant la tragédie, souffrant de crises de larmes et de paranoïa.

Les deux psychiatres ont estimé qu'elle était au moment des meurtres dans «un état dissociatif». «Son esprit et son corps se sont métaphysiquement séparés», a affirmé l'avocate de la défense, Valerie Van Leer-Greenberg.

Mais les procureurs ont fait valoir que ces problèmes mentaux avaient été invoqués a posteriori par la défense et les proches de la nounou, et qu'Ortega nourrissait de profonds ressentiments contre la mère, Marina Krim.

AFP

Leïla Slimani

Cette dernière, une ex-institutrice de 41 ans, a longuement témoigné au début du procès, fusillant du regard et traitant de «diables» son ex-employée et ses avocats.

Elle a raconté les tensions sourdes accumulées au fil des mois avec Yoselyn Ortega, perturbée par l'arrivée à New York de son fils adolescent, longtemps resté en République dominicaine.

D'autres témoins ont mis en évidence des messages laissés par Ortega à sa soeur et son fils avant les meurtres, laissant penser que son geste était prémédité.

Aussi pénible qu'ait été le procès pour les parents Krim, ils sont devenus un modèle de résilience pour beaucoup de parents américains.

Restés New-Yorkais même s'ils ont changé d'appartement depuis le drame, ils ont eu deux autres enfants, âgés aujourd'hui de quatre et deux ans.

Dès novembre 2012, ils créaient «le fonds Lulu et Leo» et une organisation «Choisissez la créativité» (Choosecreativity.org), qui encourage la créativité artistique comme moyen de surmonter les difficultés de la vie.

AP

Leo et Lulu Krim.