Ça y est. Après des semaines de préparation, Donald Trump a emménagé hier à la Maison-Blanche. À Washington, la cérémonie d'investiture a divisé la ville en deux, comme a pu le constater notre journaliste, qui a rencontré tant les partisans que les détracteurs du nouveau locataire du 1600, avenue Pennsylvania. Récit d'une journée mouvementée  qui s'est déroulée sous l'oeil d'un gigantesque dispositif de sécurité.

« À tous les Américains des petites et grandes villes, des montagnes et des côtes, vous ne serez jamais oubliés à nouveau. Vos rêves vont définir notre destin. Nous allons rendre à l'Amérique sa force, sa prospérité et sa fierté. Nous allons lui rendre sa grandeur. »

Donald Trump avait à peine terminé son discours d'investiture hier que John Manning, un militaire à la retraite de l'Alabama, a lancé un cri enthousiaste. « Enfin, nous avons un vrai leader ! », a dit le septuagénaire qui avait enfilé les couleurs militaires pour assister à l'investiture de « son » président.

« C'est la première et probablement la dernière fois que j'y assiste », a dit l'ancien commandant de peloton qui a été déployé pendant la guerre du Viêtnam. Grâce au billet que lui avait donné un élu, il se trouvait à moins de 50 mètres des marches du Capitole où Donald Trump et Mike Pence, le vice-président, avaient prêté serment, la main sur la bible.

Les mots de Donald Trump, qui a promis « d'assécher le marécage » de corruption qu'est Washington pour rendre le gouvernement au peuple, l'ont atteint droit au coeur. « C'est comme s'il me parlait directement à moi pendant son discours », a dit l'homme, ému aux larmes, avant d'ajouter rapidement : « Non, je ne pleure pas. Les Marines ne pleurent jamais. »

Hier, comme John Manning, ils étaient des dizaines de milliers à avoir fait le chemin jusqu'à la capitale du pays pour assister à la passation des pouvoirs de Barack Obama à Donald Trump. Munis de ponchos en plastique (les parapluies étaient interdits), ils ont attendu pendant des heures pour assister à la 58e investiture de l'histoire américaine.

Ils ont applaudi l'arrivée des politiciens conservateurs - dont l'ancien président George W. Bush -, se sont extasiés devant la tenue de la nouvelle première dame, Melania Trump, et ont hué les politiciens démocrates. « Ivanka Trump sera notre première femme présidente », a lancé Mia Iannotti en voyant la fille aînée du nouveau président arriver en scène.

DES PARTISANS RAVIS

Les partisans du milliardaire qui a déjoué tous les pronostics en devenant président en ont eu pour leur argent hier. « Donald Trump était plein d'esprit et m'a donné espoir en l'avenir », a dit à La Presse la jeune Riley, 17 ans, qui avait pris congé de son école secondaire du Texas pour faire le voyage jusque dans la capitale. « Les divisions raciales se sont aggravées sous Obama, Donald Trump va s'attaquer à cette situation », a déclaré pour sa part Marc Andrews, homme d'affaires de la région de Boston, qui a décidé de faire le voyage à la dernière minute.

Les partisans de Trump qui ont assisté aux festivités reflétaient son électorat : les hommes étaient en majorité et les minorités visibles, elles, très minoritaires.

Afro-Américaine de Chicago, Adrian Wright était l'exception qui confirmait la règle, hier. « Il y a beaucoup de violences dans les quartiers défavorisés et les hommes noirs en paient le prix. J'ai été déçue par l'administration précédente, alors je me suis tournée vers Trump », a dit Mme Wright en relevant sa casquette constellée de faux diamants reproduisant les étoiles du drapeau américain.

LE CIEL S'EN MÊLE

La cérémonie s'est déroulée sans anicroche, si ce n'est que le ciel a choisi exactement le début du discours de Trump pour laisser tomber quelques gouttes de pluie. Hormis la météo maussade, tout était réglé comme du papier à musique pour que la prestation de serment du nouveau président ait lieu exactement à midi, comme le veut la tradition.

C'est lors de ce moment solennel que les échos d'un autre Washington sont parvenus jusqu'au Capitole. Alors que Donald Trump avait mis la main sur la bible, des sifflets et des cris se sont fait entendre. 

« Nous sommes le peuple », criaient des manifestants à l'extérieur de l'immense périmètre de sécurité.

Ces derniers se sont regroupés au nord du siège du Congrès. En début d'après-midi, des affrontements ont eu lieu entre la police et des manifestants rassemblés au square Franklin, situé tout juste devant le siège du Washington Post.

Les autorités ont lancé des bombes assourdissantes pour disperser les manifestants qui scandaient « Il n'est pas notre président ». Des journalistes sur place ont notamment vu des protestataires vêtus de noir et masqués s'en prendre aux vitrines de plusieurs commerces. L'échauffourée, qui a duré plusieurs heures, s'est terminée par l'arrestation d'une centaine de personnes.

APRÈS L'INVESTITURE, LA RÉSISTANCE

Ailleurs dans la ville, d'autres manifestants ont tenu à faire entendre leur voix pacifiquement. C'est le cas de Gabby S., 24 ans, qui était venue de Baltimore pour protester contre l'investiture d'un président qu'elle juge intolérant. La jeune femme, qui tenait une affiche délavée sur laquelle on pouvait lire « L'amour est plus fort que la haine », croit que le nouveau président divisera les Américains. « Pendant son discours, il a dit à ceux qui l'avaient élu ce qu'ils voulaient entendre. Il n'est pas le président de tous les Américains », dit-elle. Elle raconte que pendant qu'elle manifestait en silence, des passants pro-Trump lui criaient de se trouver un emploi. « Il y a deux hommes d'âge mûr qui m'ont lancé des framboises », dit-elle, éberluée.

Gabby S. dit vouloir répondre aux agressions verbales qu'elle a subies hier en prenant part à la Marche des femmes à Washington demain. Pour cette marche, qui sera le premier grand défi populaire au nouveau locataire de la Maison-Blanche, plus de 250 000 personnes sont attendues. Le mandat de Donald Trump commence sur les chapeaux de roue.