Jeff Sessions, sénateur aux positions très dures en matière d'immigration illégale et personnalité controversée pour des propos racistes tenus il y a plusieurs décennies, a été choisi pour être ministre de la Justice de Donald Trump, auquel il apportera sa fine connaissance des mécanismes du pouvoir.

« Jeff a été un membre hautement respecté du ministère et du bureau du procureur de l'État d'Alabama. Jeff est très admiré par des experts du droit et par, en gros, tous ceux qui le connaissent », a indiqué M. Trump, dans un communiqué annonçant vendredi cette nomination.

À 69 ans, le natif de Selma représente son État d'Alabama au Sénat depuis 1997. Il s'y est notamment illustré en s'opposant à des projets, républicains comme démocrates, de régularisation de sans-papiers.

Cet homme politique diplômé en arts avant d'obliquer vers le droit, dont le ton mesuré contraste avec l'exubérance du président désigné, a vu sa fidélité récompensée : il avait été le premier sénateur à lui apporter son soutien durant la campagne.

« J'adhère avec enthousiasme à la vision du président désigné pour une "Amérique unique" et son engagement pour une justice équitable sous l'égide de la loi », a relevé ce père de trois enfants et grand-père sept fois, cité dans le communiqué.

Yeux clairs et cheveux blancs soigneusement coiffés sur le côté, M. Sessions est aussi favorable à une réduction des dépenses et à une approche ferme pour lutter contre la criminalité.

Mais des propos ouvertement racistes tenus dans les années 1980 poursuivent encore aujourd'hui l'homme au fort accent du sud.

En 1986, alors procureur fédéral en Alabama, il avait reproché à un avocat blanc de faire « honte à sa race » en défendant des clients noirs. Il avait plus tard reconnu avoir tenu ces propos.

Il se serait aussi adressé à un procureur noir en l'appelant « boy », un terme à très forte connotation raciste aux États-Unis, et aurait dit qu'il considérait les membres du Ku Klux Klan comme « OK, jusqu'à ce que je découvre qu'ils fumaient de l'herbe », a rapporté le New York Times.

Ces propos avaient été mentionnés lors d'une audition en 1986 devant le Sénat qui examinait sa candidature au poste de juge fédéral. Il avait réfuté l'utilisation du mot « boy » et balayé ses commentaires sur le KKK comme un trait d'humour ne pouvant être pris au sérieux.

De manière tout à fait inhabituelle, sa nomination avait été rejetée.

« Mes 15 ans passés à travailler pour le ministère de la Justice ont été extraordinairement satisfaisants. J'aime ce ministère, ses équipes et sa mission », a relevé M. Sessions, qui a servi dans l'armée de réserve des États-Unis de 1973 à 1986 et a été élu ministre de la Justice d'Alabama en 1995, jusqu'à son entrée au Sénat.

Pour prendre officiellement ses fonctions de ministre dans la future administration Trump, M. Sessions devra à nouveau passer devant le Sénat où il pourrait être une fois de plus questionné sur ces déclarations. Le Sénat est actuellement contrôlé par les républicains.

Son passé pourrait aussi refaire surface dans ses nouvelles fonctions, car sa nomination intervient à une période où les tensions raciales ont été ravivées par la mort de plusieurs Afro-Amériains non armés abattus par des policiers depuis l'été 2014.

Le sénateur texan Ted Cruz, ancien candidat à la présidence, a salué la « bonne nouvelle » de cette nomination « pour tous ceux qui vénèrent la Constitution et l'état de droit », se disant « confiant qu'il sera un ministre de la Justice exceptionnel ».

« Aucun sénateur n'a combattu plus durement les espoirs et les aspirations des Hispaniques, des immigrés, et des gens de couleur que le sénateur Sessions », a relevé dans un communiqué Luis V. Gutierrez, représentant de l'Illinois, estimant que le futur ministre « est le genre de personne qui va faire reculer le maintien de l'ordre, les droits civiques, les tribunaux (...) et effacer 50 ans de progrès ».

Le directeur de la puissante association américaine de défense des libertés ACLU, Anthony D. Romero, a prévenu dans un communiqué que les positions du sénateur « sur les droits de la communauté LGBT, la peine capitale, le droit à l'avortement et l'autorité présidentielle en temps de guerre ont été contestées par l'ACLU et d'autres organisations de protection des droits ».