D'anciens responsables de l'agence américaine d'espionnage CIA, accusée par un rapport d'avoir torturé pendant des années des détenus dans des prisons secrètes après le 11-Septembre, ont lancé la contre-offensive mardi avec un site internet, CIA Saved Lives.

La campagne de relations publiques, inhabituelle pour des espions, ne vise pas à contester le recours aux techniques brutales d'interrogatoire mais, au contraire, à en justifier l'efficacité et la légalité. Le site a été créé par «un groupe d'anciens responsables de la CIA avec des siècles d'ancienneté cumulés».

Le programme «était totalement autorisé par de hauts responsables de la Maison-Blanche, du Conseil national de sécurité et du département de la Justice», soutiennent les auteurs, répondant aux conclusions du rapport sénatorial publié mardi, qui montre que la CIA a menti et communiqué des informations inexactes aux dirigeants américains, au Congrès et aux Américains.

À aucun moment, les anciens responsables ne répondent à une question centrale: quand le président George W. Bush a-t-il été au courant des techniques spécifiques utilisées?

Le site reprend la réponse des républicains de la commission du Renseignement du Sénat. Ceux-ci, à l'exception d'une sénatrice, ont dénoncé le rapport officiel de la commission, élaboré par les enquêteurs démocrates, et publié leur propre réfutation.

«Les documents montrent qu'à une heure de graves menaces contre les États-Unis, le programme a été efficace pour sauver des vies américaines et alliées, et pour empêcher une autre attaque à grande échelle sur le territoire américain», écrit l'ancien directeur de la CIA George Tenet sur le site.

Un lien renvoie à une tribune publiée par cinq anciens patrons de la CIA sur le site du Wall Street Journal : les anciens directeurs George Tenet, Porter Goss et Michael Hayden, ainsi que les anciens numéros deux John McLaughlin, Albert Calland et Stephen Kappes.

Ils y réaffirment que le programme a permis la capture de hauts responsables d'Al-Qaïda, de déjouer des attentats et d'apprendre «énormément» de choses sur le réseau extrémiste.

Sans les interrogatoires brutaux, dont la simulation de noyade, ils se disent convaincus que Khaled Cheikh Mohammed n'aurait pas livré les informations qui ont conduit à la capture d'Hambali, auteur d'un attentat à Bali.

«L'arrestation de ces agents d'Al-Qaïda a sauvé des milliers de vies car elle a mis fin à leurs projets», écrivent-ils.

Intervenant mardi à la tribune d'une conférence sur le terrorisme à Washington, John McLaughlin a estimé que «les informations fournies par ce programme (d'interrogatoires poussés) sont probablement l'élément le plus important qui nous a permis de comprendre et de combattre Al-Qaïda. Ce que la commission ne comprend pas, c'est comment l'analyse des renseignements fonctionne. Elle ne comprend pas l'importance des détails, des confirmations».

Il a ainsi cité en exemple le cas de l'arrestation au Royaume-Uni d'un agent d'Al-Qaïda qui préparait une campagne d'attentats après qu'un détenu soumis à ce programme eut lâché son nom, deux à trois ans plus tôt. Il a également assuré que des détails donnés dans les mêmes circonstances sur le messager qui a finalement conduit à Oussama ben Laden, avaient permis de comprendre l'importance du personnage, et donc de se concentrer sur lui.

Partisans et détracteurs du rapport répondent en fait à deux questions différentes.

Le rapport de la commission ne conclut pas que le programme n'a permis d'obtenir aucune information. Il montre que les informations obtenues étaient soit déjà disponibles par d'autres moyens, ou bien n'ont pas permis, en soi, de déjouer des projets d'attentats réels et imminents.