Un tribunal de New York a ordonné au premier ministre indien Narendra Modi de répondre aux accusations de «tentative de génocide» en relation avec les émeutes meurtrières anti-musulmanes en 2002, a annoncé vendredi l'ONG à l'origine de l'assignation.

Ces poursuites interviennent au moment où Modi commence sa visite aux États-Unis, la première comme chef de gouvernement indien. Modi était chef de l'exécutif du Gujarat lors des émeutes qui ont fait en 2002 au moins 1000 morts, essentiellement des musulmans, dans cet État de l'ouest de l'Inde.

Le premier ministre indien a toujours nié avoir laissé faire ces violences et la justice ne l'a pas mis en cause, mais cet épisode a entaché sa carrière. L'administration et la police du Gujarat avaient alors été critiquées pour ne pas être intervenues rapidement.

Les avocats de l'American Justice Center (AJC) ont annoncé avoir entamé des poursuites au civil jeudi contre Modi pour obtenir des dommages et intérêts pour ce qu'ils estiment être «une tentative de génocide».

«Il est clair pour les plaignants que justice ne peut être rendue en Inde en raison de la tolérance envers cet acte génocidaire approuvé par l'État», écrivent l'ONG et des survivants, non désignés, de ces émeutes dans leur assignation.

Selon l'AJC, le tribunal a ordonné à Modi de répondre à ces accusations d'ici 21 jours. En vertu de la loi américaine, un tribunal peut décider de poursuites si le mis en cause ne répond pas en temps voulu.

L'ONG accuse Modi de crimes contre l'humanité, de meurtres extrajudiciaires, de tortures et traumatismes physique et psychique, essentiellement envers la communauté musulmane.

Modi, nationaliste hindou, s'est vu refuser un visa par les États-Unis en 2005 en raison de ces émeutes.

Le premier ministre indien doit atterrir vendredi à New York où il s'exprimera samedi devant l'assemblée générale de l'ONU avant de rencontrer Barack Obama lundi et mardi à Washington.

Le secrétaire général du Bharatiya Janata Party (BJP), le parti de Modi, a déclaré vendredi que cette assignation n'avait pas été formellement communiquée au parti. «Ce que je peux dire est que c'est sans précédent», a dit Muralidhar Rao à des journalistes.

L'AJC se décrit comme une ONG visant à présenter à la justice les auteurs de violences de masse et de justice.

Un accueil de marque

Le premier ministre Modi entame sa première visite vendredi aux États-Unis pour promouvoir son pays auprès des investisseurs et renouer des liens distendus l'an dernier par une querelle diplomatique avec Washington.

Modi va recevoir un accueil de marque dans la capitale américaine, une forme de réhabilitation pour le dirigeant indien qui s'était vu refuser un visa en 2005 et avec qui les États-Unis n'ont repris contact que peu avant son arrivée au pouvoir en mai.

Le nouveau premier ministre dînera en privé avec Barack Obama à la veille de son entretien officiel mardi avec le président américain, un repas qui devrait se résumer à du thé et de la limonade pour Modi en plein jeûne à l'occasion d'une fête religieuse hindoue.

Il rencontrera également le secrétaire à la Défense, Chuck Hagel, le secrétaire d'État John Kerry et sa prédécesseure Hillary Clinton.

Les deux pays souhaitent tourner la page d'une série de désaccords récents, en particulier sur l'arrestation en décembre à New York d'une diplomate indienne soupçonnée d'avoir exploité son employée de maison.

Mais Modi devrait surtout concentrer ses efforts sur la promotion de l'Inde auprès des entreprises américaines.

«La prospère communauté indo-américaine aux États-Unis est une métaphore du potentiel de notre partenariat et des possibilités d'un environnement qui favorise l'entreprise et récompense le travail», écrit Modi vendredi dans une tribune publiée par le Wall Street Journal.

Lundi, il doit rencontrer une série de chefs d'entreprises dont Eric Schmidt de Google et Indra Nooyi, patronne de PepsiCo.

Le gouvernement indien cherche à créer des millions d'emplois pour absorber la jeunesse qui arrive chaque année sur le marché du travail et la visite de Modi intervient au lendemain du lancement de sa campagne de promotion de l'Inde comme plateforme industrielle.

«Avec l'élection de Modi, nous entrons dans une nouvelle ère, un changement spectaculaire d'approche, avec sa volonté d'entrer en rapport direct avec les entreprises et de considérer l'investissement étranger comme une clé de la croissance et de son programme», estimait récemment Susan Esserman, ancienne représentante adjointe au Commerce.

«Nous n'avons jamais vu la visite d'un premier ministre indien autant tournée vers les entreprises et prévoyant autant de rendez-vous avec le monde des affaires aux États-Unis», a-t-elle dit dans le cadre d'une conférence.

«Liés par l'histoire et la culture»

Modi a déjà assoupli les règles d'investissement étranger dans des secteurs-clés tels que la défense ou l'assurance. Cependant, son refus de ratifier un accord à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) a brouillé son message, selon ses détracteurs.

Ce sujet ainsi que le futur de l'Afghanistan et la lutte contre les groupes djihadistes figureront parmi les sujets abordés à Washington.

Les États-Unis veulent entretenir de bons rapports avec l'Inde, y voyant une puissance démocratique faisant contrepoids à la montée en puissance de la Chine.

Modi, qui s'était vu refuser un visa en 2005 par les États-Unis en raison des émeutes antimusulmanes ayant ensanglanté l'État du Gujarat qu'il dirigeait en 2002, estime que l'Inde et les États-Unis sont des alliés naturels.

En dépit «de hauts et de bas», les deux pays sont «liés par l'histoire et la culture», a-t-il dit récemment sur CNN.

Modi entamera son séjour à New York où il prononcera samedi son discours devant l'assemblée générale des Nations unies.

Il prononcera un discours dimanche devant la communauté indo-américaine au Madison Square Garden, qui peut accueillir 18 à 20 000 personnes, une rencontre d'une dimension inhabituelle pour un leader étranger aux États-Unis.

-Avec Claire Cozens