Sept ans après les faits, un tribunal américain a commencé mercredi à juger 4 anciens gardes de la compagnie Blackwater pour le meurtre de 14 Irakiens à Bagdad, qui avait illustré les dérives des sociétés privées de sécurité.

En costume-cravate, épaulés par une armée d'avocats, Paul Slough, Evan Liberty, Dustin Heard et Nicholas Slatten ont comparu ensemble devant un tribunal fédéral de Washington au cours d'une audience destinée à sélectionner les jurés.

A la sortie de l'audience, Thomas Connolly, avocat de Nicholas Slatten a prévenu que le procès pourrait durer «entre cinq et six mois».

D'autant, comme l'a rappelé le juge Royce Lamberth, qu'un «grand nombre d'Irakiens» sont appelés à donner leur version de cette funeste journée du 16 septembre 2007. D'après l'accusation, il devrait même s'agir «du plus grand nombre de témoins étrangers appelés à se rendre aux États-Unis pour un procès devant un tribunal pénal».

Sur la place Nisour de Bagdad, 17 civils irakiens non armés, selon l'enquête irakienne, 14 selon celle des États-Unis, avaient trouvé la mort ce jour-là et 18 avaient été blessés dans une fusillade déclenchée par des employés de Blackwater qui protégeaient un convoi du département d'État américain.

La tuerie avait exacerbé la rancoeur de la population irakienne envers les Américains et illustré, selon leurs détracteurs, l'impunité dont se prévalaient les «mercenaires» de compagnies privées employés par le gouvernement américain.

Blackwater, rebaptisée Xe Services en 2009 puis Academi en 2011, avait vu sa licence révoquée par Bagdad à la suite du massacre et dans le sillage de l'effroi qu'il avait provoqué au sein de la population irakienne. A son arrivée au pouvoir en 2009, l'administration de Barack Obama avait rompu son contrat liant l'entreprise au département d'État.

Vice de forme 

Nicholas Slatten est accusé d'assassinat contre un civil irakien qui était au volant de sa voiture au moment des faits. Slough, Liberty et Heard sont, eux, accusés d'homicide volontaire sur les 13 autres victimes.

Les quatre accusés ont plaidé non coupable dans cette affaire.

Mais la longue procédure qui a finalement abouti à l'ouverture du procès illustre les atermoiements de la justice américaine.

En 2009, un juge américain avait prononcé un non-lieu contre cinq ex-employés de Blackwater parce que certaines de leurs déclarations juste après la fusillade n'auraient pas dû être utilisées contre eux par le ministère public. Deux ans plus tard, une cour d'appel avait rétabli l'inculpation contre 4 employés, ouvrant ainsi la voie au procès actuel.

Mais en raison d'un vice de forme, un juge avait prononcé un non-lieu en faveur de Nicholas Slatten en avril de cette année, avant que la justice ne reprenne l'affaire et l'accuse quelques semaines plus tard d'assassinat.

Ce chef d'inculpation pourrait lui valoir la prison à vie, mais pour prouver sa culpabilité, l'accusation devra convaincre les jurés que Slatten a agi avec préméditation.

Avant le massacre, Slatten aurait clamé auprès de son entourage qu'il comptait «tuer autant d'Irakiens que possible en représailles aux attentats du 11-Septembre», selon l'acte d'accusation.

Quant à Blackwater, son fondateur Erik Prince s'en est séparé et a écrit un livre paru cette année pour rétablir l'honneur des «héros anonymes de la guerre contre le terrorisme» initiée sous George W. Bush, les gardes armés de Blackwater.