Les drones militaires suscitent beaucoup de controverse aux États-Unis quand ils sont utilisés pour tuer des militants de groupes terroristes au Pakistan et au Yémen. Une nouvelle source de tension émerge maintenant au sein de l'armée: comment reconnaître la contribution de leurs pilotes par l'attribution de médailles?

L'an dernier, le nouveau secrétaire américain à la Défense, Chuck Hagel, avait décidé d'annuler l'introduction d'une nouvelle médaille, la Distinguished Warfare Medal, qui devait honorer les «actions extraordinaires» des troupes agissant loin des champs de bataille - essentiellement les pilotes de drone et les spécialistes de guerre cybernétique, qui guerroient depuis les États-Unis. La médaille avait été proposée peu avant le départ de son prédécesseur, Leon Panetta, provoquant un tollé chez les vétérans, qui la qualifiaient de «médaille Nintendo».

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Le secrétaire Hagel a depuis lancé une refonte du système de médailles militaires, qui doit se terminer l'an prochain. «Nos médailles militaires sont basées sur un concept de guerre cinétique», explique l'historien militaire Frederic L. Borch III, qui est président de la Société américaine pour les ordres et médailles. «Or, la guerre se gagnera de plus en plus loin des champs de bataille, avec les drones et la guerre cybernétique. Il n'y a pas de moyen pour l'instant de reconnaître la contribution des militaires qui ne sont pas sur le terrain, même si elle est cruciale.»

Un débat similaire avait eu lieu durant la Deuxième Guerre mondiale, pour récompenser les pilotes de bombardier. Mais comme ils risquaient leur vie, un compromis a pu être trouvé, dit le colonel Borch. Cet accent sur le combat direct a mené à des situations étranges: le général Dwight Eisenhower, responsable du débarquement de Normandie en 1944 puis président américain de 1952 à 1960, n'a jamais reçu de médailles liées au combat, parce qu'il n'avait «jamais entendu siffler une balle ennemie», rapporte le colonel Borch.

L'historien militaire n'est pas lui-même étranger à la controverse. Le colonel Borch a été le premier procureur en chef de la commission militaire devant juger les détenus du camp de Guantánamo, arrêtés pour terrorisme. Il a été remplacé en 2005 après que des doutes eurent été soulevés sur sa gestion des procès, quant aux droits des accusés. Il a ensuite été nommé archiviste en chef de la section judiciaire de l'armée, un poste qui n'existait pas auparavant.

Selon le colonel Borch, une solution au problème des médailles pour les pilotes de drone serait d'étendre l'utilisation des médailles pour «service distingué», qui ont notamment récompensé le travail du général Eisenhower. Cela veut-il dire que l'annulation de la Distinguished Warfare Medal était une erreur? «Le problème, c'était qu'elle était classée assez haut dans la hiérarchie des médailles, dit le colonel Borch. Les traditionalistes sont très pointilleux là-dessus. Et ils trouvent déjà qu'il y a beaucoup de médailles, ce qui dévalue leur importance.»