Avant et après s'être lancé dans la course à la mairie de Montréal, Marcel Côté a confié à des journalistes son intention de s'inspirer du maire de New York, Michael Bloomberg, s'il est élu. Il a notamment vanté la capacité du milliardaire new-yorkais de rallier élus et citoyens autour de ses idées.

L'ironie veut que le nouveau favori dans la course à la mairie de New York ait triomphé mardi dernier lors d'une primaire démocrate en se présentant comme l'anti-Bloomberg. Après avoir été longtemps à la traîne dans les sondages, le médiateur de la ville, Bill de Blasio, a terminé son ascension fulgurante en remportant 40,3% des suffrages, contre 26,2% pour son plus proche rival, l'ancien contrôleur financier de la Ville, Bill Thompson, et 15,5% pour la présidente du conseil municipal, Christine Quinn.

Dans son discours de victoire, cet Italo-Américain de 1,95 m a évoqué la journée froide de janvier où il a annoncé sa candidature devant sa maison de Park Slope, à Brooklyn, en dénonçant les injustices et les inégalités de New York à la fin des trois mandats de Michael Bloomberg à la mairie de la ville.

«Ce jour-là, nous avons dit que New York était devenu un conte de deux villes, l'une où non seulement les très riches s'étaient remis de la grande récession, mais aussi où la vie ne pouvait pas être meilleure pour eux», a rappelé de Blasio, 52 ans, entouré de sa femme afro-américaine et de leurs deux enfants métis.

«Et nous avons reconnu ce jour-là qu'il y avait un autre New York, un New York où près de la moitié des citoyens vivent autour du seuil de la pauvreté, où les condos luxueux ont remplacé les hôpitaux communautaires, où les méthodes policières proactives ont tranquillement cédé la place au profilage racial.»

L'hebdomadaire de gauche The Nation, qui avait apporté son soutien à de Blasio, a exulté au lendemain du triomphe de celui qui se définit comme un «progressiste sans complexe»: «Les progressistes du pays peuvent se réjouir du fait que ce message économique de gauche s'est révélé payant pour de Blasio aux urnes.»

Grogne chez les républicains

S'il ne descend pas sous la barre des 40% après le dépouillement des votes par anticipation, de Blasio évitera un scrutin de ballottage le 1er octobre et affrontera le gagnant de la primaire républicaine, Joe Lhota, le 5 novembre.

La plupart des observateurs s'accordent pour dire que de Blasio a d'excellentes chances d'être élu maire dans une ville qui compte six électeurs démocrates pour un républicain.

Un tel verdict déplairait suprêmement à Michael Bloomberg, qui a accusé le candidat démocrate de mener une campagne «raciste» et de «guerre des classes». L'étrange accusation de racisme semble tenir au fait que de Blasio a gagné des appuis précieux chez les Noirs et les Hispaniques en faisant campagne avec les membres de sa famille multiraciale, dont son fils Dante, vedette d'une pub télévisée très efficace.

Dans cette pub, Dante, 16 ans, rappelait notamment les deux principales promesses de son père: réformer la politique controversée des fouilles au corps («stop-and-frisk») de la police new-yorkaise et hausser les impôts des plus riches pour financer la prématernelle pour tous.

Cela dit, Michael Bloomberg n'entend pas pour autant donner son soutien au républicain Joe Lhota, un ancien homme d'affaires qui a fait partie de l'administration de l'ancien maire Rudolph Giuliani avant de devenir président de l'Autorité métropolitaine de transport.

«Le maire Bloomberg sait très bien que son appui à Joe Lhota éliminerait ses chances d'être élu», a déclaré à La Presse Christina Greer, politologue à l'Université Fordham de New York.

À l'instar de plusieurs analystes, la politologue établit un lien entre l'impopularité du maire Bloomberg et sa décision de ne pas respecter la limite de deux mandats à la mairie. Avec la complicité du conseil municipal, il a obtenu le droit de solliciter un troisième mandat en 2009.

«Il y a aussi le fait que plusieurs New-Yorkais ont l'impression que ses politiques favorisent Manhattan au détriment des autres arrondissements», a ajouté Christina Greer.

Malgré les accusations du maire Bloomberg, Bill de Blasio n'a pas le profil d'un radical. Il a travaillé au département du Logement et du Développement urbain sous Bill Clinton et dirigé la première campagne de Hillary Clinton au Sénat en 2000. Il s'est ensuite fait élire au conseil municipal de New York en 2001 et au poste de médiateur de la Ville en 2009.

Mais il aura mieux compris que ses principaux adversaires démocrates la lassitude des New-Yorkais envers le maire Bloomberg et leur désir d'un changement de direction.