Des juristes ont dénoncé mardi une «crise humanitaire» à Guantanamo, devant la Commission inter-américaine des droits de l'homme, exhortant les États-Unis à faire preuve de «mesures concrètes» pour fermer la prison controversée.

L'avocat Omar Farah, du Centre pour les droits constitutionnels (CCR), s'est adressé à cette commission autonome, qui a le pouvoir de faire des recommandations au plus haut niveau des Etats d'Amérique du Nord et du Sud, en parlant de «crise humanitaire en cours», alors que des détenus de Guantanamo mènent une importante grève de la faim.

«Nos clients pourraient bien mourir à Guantanamo, non pas parce que les États-Unis ne sont pas capables de les transférer, mais parce que le gouvernement n'a pas la volonté de le faire», a-t-il fustigé, estimant que l'administration Obama se cherche des «excuses» pour ne pas honorer la promesse du président de fermer la prison.

Le gouvernement américain invoque régulièrement la loi sur le budget militaire (NDAA), qui interdit le financement du transfert des détenus aux États-Unis ou à l'étranger.

«Nous concédons que la NDAA a rendu la fermeture de Guantanamo plus compliquée mais ce serait une grossière erreur de dire qu'elle a empêché les États-Unis de relâcher des prisonniers ou de fermer la prison», a renchéri l'avocat, qui représente un détenu yéménite «libérable».

«A la lumière des nombreux tourments que la détention illimitée crée aux prisonniers de Guantanamo et des risques physiques qu'elle impose, à la lumière du fait que les États-Unis eux-mêmes ont concédé n'avoir aucun intérêt à prolonger la détention de plus de la moitié des prisonniers, à la lumière du fait que neuf hommes sont morts à Guantanamo (...) les Etats-Unis ont-ils toujours la volonté de fermer Guantanamo et peuvent-ils présenter les mesures concrètes en cours pour atteindre ce but?», a-t-il solennellement demandé au représentant du gouvernement.

Michael Williams, haut-conseiller du département d'État, dont le bureau qui travaillait depuis quatre ans à la fermeture de la prison militaire a été récemment fermé, s'est défendu en réaffirmant «continuer à travailler pour permettre les transferts» des 56 détenus désignés pour être libérés sans élément à charge.

Certes, «aucun transfert n'a été réalisé» depuis longtemps mais «le président a réitéré très récemment son intention de fermer Guantanamo», a déclaré M. Williams, en admettant que le moratoire sur les 26 Yéménites, la population carcérale majoritaire, restait effectif.

«La détention illimitée peut causer un traumatisme psychologique grave et durable et des conséquences physiques qui peuvent atteindre le niveau de tortures ou de traitements cruels, inhumains et dégradants», a renchéri de son côté Kristine Huskey, avocate des Médecins pour les droits de l'homme.

L'audition devant cette commission intervient alors que «la majorité des hommes de la prison entrent dans leur 5e semaine de grève de la faim massive pour protester pacifiquement contre la détérioration de leurs conditions de détention, des provocations religieuses et la réalité écrasante de 11 ans de détention illimitée», a ajouté Me Farah, dans un communiqué.

Les juristes ont demandé à ce que les membres de la commission, émanation de l'Organisation des États d'Amérique, soient autorisés à se rendre dans la prison et à rencontrer des détenus.