Les États-Unis quittent l'Irak avec l'espoir de pouvoir se consacrer à d'autres défis, mais restent encombrés par l'héritage de cette longue et couteuse guerre, et par celle qui continue en Afghanistan.

Washington, qui avait envoyé jusqu'à 170 000 soldats dans le pays en 2007, n'aura plus à compter ses militaires tués, mais l'affaiblissement économique demeure, tout comme le sentiment antiaméricain que la guerre a répandu dans toute la région, sans compter la montée de la menace iranienne.

L'Irak lui-même va continuer de consommer des ressources américaines considérables.

L'ambassadeur américain à Bagdad, James Jeffrey, a estimé qu'en dépit du retrait des troupes, les États-Unis dépenseront six milliards de dollars en 2012 en Irak, un pays qui abrite la plus grande ambassade américaine au monde et une mission de 16 000 personnes.

«Il est certain que le retrait d'Irak nous donne plus de flexibilité chez nous et à l'étranger», dit Leslie Gelb, président émérite du centre de réflexion Conseil des relations extérieures (CFR).

«C'est un énorme plus, mais il nous reste un poids très lourd, l'Afghanistan. On pourrait penser que la moitié du problème s'efface avec le retrait d'Irak, mais ce n'est pas vraiment ainsi que cela se passe».

La fin de l'engagement en Irak conduit les États-Unis à reporter leur effort non seulement sur l'Afghanistan, mais aussi sur ses voisins, comme le difficile et incertain allié pakistanais, note M. Gelb: «Les crises constantes liées aux pays de la région consomment beaucoup de puissance et de temps».

Washington va de crise en crise avec Islamabad, la dernière ayant été provoquée par la mort de 24 soldats pakistanais tués par une frappe de l'OTAN.

La secrétaire d'État Hillary Clinton a affirmé en novembre que les États-Unis se trouvaient à «un moment pivot» provoqué par le retrait en Irak et la perspective de la fin de la guerre afghane en 2014.

Pendant la prochaine décennie, a-t-elle écrit dans la revue Foreign Policy, les États-Unis vont «consacrer un investissement nettement plus élevé à la région Asie-Pacifique, que ce soit sur les plans diplomatique, économique, stratégique, ou autre».

Ce ne sont à ce jour que «des mots», à en croire Leslie Gelb: «Quand on combat dans une guerre majeure (en Afghanistan), on ne peut pas vraiment se tourner vers l'Asie».

D'autres points faibles américains résultent de la guerre d'Irak, selon cet analyste.

«Nous avons détruit l'Irak en tant que contrepoids à l'Iran. Et ça, c'est un gros moins. Deuxièmement, nous nous sommes affaiblis économiquement. Nous n'avons pas fait d'impôt de guerre pour payer la guerre en Irak. Nous n'avons pas d'impôt de guerre pour payer la guerre en Afghanistan. Et une bonne part de la dette du pays vient de ces deux conflits».

Enfin, le fait d'avoir mené bataille dans deux pays musulmans aura, selon l'expert, un effet durable dans les opinions islamiques, limitant la capacité de Washington à influer sur le printemps arabe.

Michael O'Hanlon, un analyste de l'institut Brookings, doute que la fin de la guerre d'Irak dégage du temps et des ressources pour consacrer l'attention de l'Amérique à d'autres dossiers pressants, tels que l'énergie ou le changement climatique.

«On peut penser que l'héritage de l'Irak va demeurer», note-t-il. Cette guerre «est l'une des raisons pour lesquelles nous nous sentons un pays plus pauvre et épuisé en ce moment. C'est aussi pour cette raison qu'à mon avis, nous allons nous tourner plus vers nous-mêmes pendant un certain temps».