Un sondage sur Facebook où l'on demande si Barack Obama doit être tué, un site web conservateur qui défend l'idée d'un coup d'État pour se débarrasser du président américain...

Aux États-Unis, la grogne anti-Obama a grimpé d'un cran la semaine dernière. Même le renommé chroniqueur du New York Times Thomas Friedman craint dorénavant pour la vie de son président. Il a écrit mercredi que le «climat» actuel en sol américain est le même «que celui qui existait en Israël» à la veille de l'assassinat du premier ministre Yitzhak Rabin. La Presse a joint James T. Patterson (1), historien américain réputé, pour en discuter.

Q La Presse : Y a-t-il d'autres exemples, dans l'histoire américaine récente, où un président américain a été aussi rudement attaqué par ses adversaires?

R James T. Patterson : Je pense que oui. Nous avons vu ce genre de choses à plusieurs reprises dans l'histoire américaine. En particulier sous (le président démocrate) Franklin D. Roosevelt et dans les années 50 avec Joseph McCarthy (le sénateur républicain qui disait pourfendre les communistes). Et, plus récemment, quand les républicains ont tenté de destituer Bill Clinton, en 1998. Des propos excessifs ont alors été tenus par beaucoup d'Américains. Au sujet de Roosevelt, par exemple. On affirmait, parfois publiquement, mais plus souvent en privé, qu'il était un juif, un communiste, un socialiste. Ou qu'il voulait être un dictateur. De nombreux conservateurs le détestaient et ont fait tout ce qu'ils ont pu pour le chasser de son poste. Et à partir de la fin des années 40, McCarthy et ses alliés, y compris Richard Nixon, ont affirmé que le département d'État était bourré de communistes et d'espions. Ce n'est donc pas quelque chose de nouveau.

Q Cette semaine, un site web conservateur a parlé d'un éventuel coup d'État pour se débarrasser de l'administration Obama...

R Vous avez des personnes qui disent qu'on doit s'en débarrasser, mais il n'y a pas quelque chose de sérieux qui se trame. Il y a simplement beaucoup de gens très fâchés. Et c'est surprenant parce que le plan de réforme de la santé de Barack Obama, qui a mis la plupart de ces gens en colère, est loin d'être radical. En fait, il est très modeste si on le compare à ce que vous avez au Canada.

Q On parle aussi de menaces de mort. Selon l'essayiste Ronald Kessler, Barack Obama est la cible de 30 menaces potentielles par jour. Historiquement, est-ce quelque chose d'unique?

R Il y a toujours la possibilité (d'un assassinat) et c'est pourquoi les services secrets sont si prudents. Le président William McKinley a été tué en 1901. Et bien sûr, en l'espace de quelques années, John Kennedy, Bobby Kennedy et Martin Luther King ont été tués. On a tenté de tuer le président Gerald Ford à deux reprises. On a tiré sur Ronald Reagan et il a presque été tué en 1981. Et il y a eu, j'en suis sûr, beaucoup de menaces de mort proférées contre nos présidents.

Q Pensez-vous, comme l'ancien président démocrate Jimmy Carter, que le racisme est à la source d'une partie des attaques personnelles contre Obama?

R Oui. J'en suis sûr. Le racisme est vraiment moins virulent aujourd'hui. Les États-Unis ont fait énormément de chemin au cours des 50 dernières années. Mais il y en a encore.

Q Le climat, les menaces... Êtes-vous inquiet, vous aussi?

R Certainement. Ça m'inquiéterait même si je n'aimais pas le président. Mais je n'ai pas atteint le stade où je pense que c'est sans précédent. Je pense qu'il y a un nombre relativement petit de gens qui font vraiment beaucoup de bruit et qui ont attiré l'attention parce que des rassemblements publics ont été organisés. Un petit pourcentage de ces gens dit des choses très stupides. Et certains, en privé, envoient des menaces de mort. Mais je ne me réveille pas chaque matin en pensant que le président va être tué.

1. James T. Patterson a enseigné l'histoire à la prestigieuse Université Brown dans le Rhode Island, de 1972 à 2002. Au cours des dernières années, il a notamment publié deux essais sur l'histoire américaine contemporaine (de 1945 à l'élection de George W. Bush) qui ont été salués par la critique. Il s'apprête à publier un livre au sujet d'un célèbre rapport sur les Noirs aux États-Unis, intitulé The Negro Family, qui a fait grand bruit lorsqu'il a été rendu public en 1965, sous le président Lyndon B. Johnson.