Washington tente de placer Téhéran sous une pression maximale avant la rencontre à Genève jeudi, en menaçant le régime de sanctions renforcées s'il ne lève pas l'inquiétude sur son programme nucléaire, malgré les doutes sur l'efficacité et la faisabilité de cette option.

Les tirs de missiles iraniens - une «provocation», selon la Maison-Blanche - «vont encore plus isoler l'Iran et le consensus international va grandir pour des mesures supplémentaires, y compris des sanctions», a insisté lundi Philip Crowley, porte-parole de la diplomatie américaine.

Le secrétaire à la Défense Robert Gates avait indiqué dimanche étudier «une liste assez riche de possibilités» de nouvelles sanctions.

La secrétaire d'État Hillary Clinton avait déploré de son côté que le dispositif ait «présenté des fuites» jusqu'à présent.

Après quatorze mois d'impasse, l'Iran reprend jeudi le dialogue avec les États-Unis, l'Allemagne, la Chine, la France, la Russie et le Royaume-Uni.

Ces grandes puissances soupçonnent la République islamique de chercher à se doter de l'arme nucléaire sous couvert d'un programme civil et exigent qu'elle se conforme aux règles internationales en matière de non-prolifération.

La tension ne cesse de monter avant la rencontre: l'annonce d'essais iraniens de missiles a succédé ce week-end à la divulgation de l'existence en Iran d'un second centre d'enrichissement d'uranium.

M. Gates, interrogé sur CNN, a évoqué de possibles «sanctions sur l'activité bancaire, sur les technologies gazières et pétrolières». L'Iran est déjà sous le coup de trois résolutions de l'ONU assorties de sanctions.

Les États-Unis réfléchissent aussi à un embargo sur les importations d'essence en Iran, un pays exportateur de pétrole mais qui, paradoxalement, doit importer 40% de ses besoins en carburant, faute de capacités de raffinage.

Robert Gates, qui n'a pas évoqué cette possibilité précise dimanche, a appelé à tirer parti des «failles profondes» traversant la société iranienne après la réélection contestée du président ultra-conservateur Mahmoud Ahmadinejad. Selon lui, «des sanctions économiques sévères pourraient avoir un véritable impact» dans ce contexte.

L'insistance américaine sur les sanctions rencontre une réponse tiède de leurs partenaires.

Bien que la France soit elle aussi en pointe dans la menace de sanctions nouvelles, son ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner a mis en garde lundi contre des mesures qui pourraient affecter les Iraniens ordinaires.

En Iran même, le chef de file de l'opposition Mir Hossein Moussavi s'est dit opposé à de nouvelles sanctions, car celles-ci «vont augmenter la souffrance» des Iraniens.

La Russie freine traditionnellement la volonté des Américains et des Européens de sanctionner l'Iran.

La semaine dernière, le président Dmitri Medvedev avait jugé des sanctions «dans certains cas inévitables». Mais lundi, le Kremlin a appelé la communauté internationale à ne pas «céder à l'émotion» après les essais de missiles, tout en appelant Téhéran à «montrer de la retenue».

La Chine enfin, dont certains analystes évaluent à 100 milliards de dollars le volume annuel d'échanges avec l'Iran, est notoirement hostile à de nouvelles sanctions.

Cela n'a pas empêché Kurt Campbell, secrétaire d'État-adjoint des États-Unis chargé de l'Asie, d'affirmer lundi que «pour la première fois, la Chine soutient des éléments de notre approche dure».