«Naïf», «irresponsable», diplomate d'opérette: les deux rivaux d'hier, Barack Obama et Hillary Clinton, n'ont pas ménagé attaques et piques acerbes pendant la campagne sur l'incompétence présumée de leur adversaire en matière de politique internationale.

Mais tout a été oublié lundi, quand le président élu a fait de son ancienne rivale démocrate sa chef de la diplomatie.

Eux qui s'étaient affrontés pendant des semaines pour savoir qui serait le plus apte à répondre à ce fameux coup de téléphone de 3 heures du matin, réclamant une réponse à une crise internationale, ont fait assaut d'éloges et de respect affiché l'un pour l'autre.

Pendant la campagne, Barack Obama s'était moqué de la prétendue expérience internationale de l'ex-Première dame qui consistait essentiellement, selon lui, à prendre le thé avec des diplomates américains.

Mme Clinton l'avait traité de «naïf» et d'«irresponsable», de commandant en chef qui aurait besoin d'un «manuel d'instructions pour politique internationale».

Elle avait ensuite mené activement campagne pour Obama, après l'investiture du sénateur de l'Illinois comme candidat démocrate à la présidentielle, et son propre échec.

Lors d'un débat il y a un an, M. Obama avait admis que Mme Clinton était «assez sympathique». Elle est devenue lundi une «amie chère».

Mme Clinton s'est montrée révérencieuse: «Monsieur le président élu, merci pour cet honneur», a-t-elle dit, avant de l'assurer de son dévouement plein et entier.

L'ex-Première dame a esquissé un sourire quand M. Obama a rappelé à quel point elle avait été une adversaire «coriace», un euphémisme après une bataille des primaires au vitriol.

Pendant les campagnes électorales, «les divergences sont amplifiées», a souligné le président élu, sous-entendant que Mme Clinton et lui-même partageaient les mêmes principes fondamentaux.

Cependant, Barack Obama s'était opposé à la guerre en Irak quand Mme Clinton avait voté en 2002 en faveur d'une invasion.

Hillary Clinton avait reproché à M. Obama sa politique va-t-en-guerre au Pakistan et l'avait traité de «naïf» quand il avait envisagé de discuter avec les dirigeants iraniens et nord-coréens, deux des bêtes noires des Etats-Unis.

Demain, si ces discussions ont lieu, ce sera à elle de les organiser.

Certains avancent que Mme Clinton n'a pas l'habitude de jouer les seconds rôles et qu'elle sera tentée de mener la politique étrangère des Etats-Unis en solo.

Mais Obama n'a laissé planer aucun doute sur celui qui tiendra la barre de la politique américaine. Ce sera lui le patron.

«J'ai mis en place cette équipe parce que je crois profondément aux fortes personnalités et aux opinions tranchées, c'est ainsi que les meilleures décisions sont prises», a-t-il relevé.

«Mais, comprenez le bien, c'est moi qui, en tant que président, définirai la politique (...). Comme disait Harry Truman, c'est moi qui arrêterai la balle».

La désignation de Mme Clinton comme secrétaire d'Etat a été plutôt bien accueillie, aux Etats-Unis comme à l'étranger. Néanmoins, des républicains tentent d'attiser la controverse.

Après tout ce qui a été dit pendant la campagne, «on est en droit de se demander si la sénatrice Clinton a toujours les mêmes, et compréhensibles, inquiétudes sur le président élu et ses positions sur les questions cruciales concernant notre pays», a estimé le porte-parole du Comité national républicain.

Et Mme Clinton ne sera pas la seule forte personnalité aux commandes: le futur conseiller à la sécurité nationale, James Jones, est un ancien commandant des forces de l'Otan en Europe réputé pour son expérience et sa finesse politique, tout comme la gouverneur de l'Arizona Janet Napolitano, qui dirigera le département de la Sécurité intérieure, et Robert Gates, reconduit au Pentagone.