Deux ans après qu'un petit Guinéen est devenu la première victime de l'épidémie d'Ebola, l'Organisation mondiale de la santé a annoncé hier qu'il ne reste plus aucun cas d'Ebola en Afrique de l'Ouest. Une bonne nouvelle que reçoivent sans jubilation ceux qui ont combattu la maladie. L'épidémie est terminée, disent-ils, mais le virus rôde toujours.

Tout a commencé à Méliandou, un village de Guinée, en décembre 2013. Émile Ouamouno, âgé de tout juste 2 ans, est entré en contact avec une chauve-souris porteuse du virus Ebola. Du coup, il est devenu la première victime d'une épidémie qui a fait plus de 11 000 morts. Deux ans plus tard, c'est aussi en Guinée que l'épidémie s'est terminée.

Hier, lors d'un discours émotif prononcé au cours d'une cérémonie qui a eu lieu dans le pays d'Afrique de l'Ouest, le représentant de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Mohammed Belhocine, a déclaré la fin de la transmission du virus Ebola. 

«Quarante-deux jours se sont écoulés depuis que le dernier cas confirmé d'Ebola est sorti guéri de l'unité de traitement de la maladie. Le petit corps héroïque de cette fillette a vaincu la maladie», a-t-il dit en parlant de la dernière petite patiente guinéenne qui a survécu au virus meurtrier. «L'épidémie de la maladie à virus Ebola en Guinée est terminée.»

Au cours des deux dernières années, plus de 28 000 personnes ont contracté la maladie. De ce nombre, plus de 11 000 sont mortes. La Guinée et ses deux plus proches voisins, la Sierra Leone et le Liberia, ont été de loin les plus touchés par la maladie. Depuis novembre, aucun nouveau cas n'a été rapporté dans ces trois pays, selon l'OMS.

M. Belhocine a félicité le gouvernement et le peuple guinéen pour le travail accompli au cours des deux dernières années. 

«Au plus fort de l'épidémie, en novembre 2014, le pays enregistrait des centaines de cas par semaine. Le tissu social a été mis à rude épreuve. Les communautés, les familles et les individus ont été marqués par l'incrédulité, la peur, l'incertitude du lendemain, le choc des deuils multiples en un temps très court. Dans ce contexte, avoir réussi à interrompre la transmission de ce virus mortel revêt un caractère d'immense succès», a dit le responsable de l'OMS en Guinée.

Le virus qui persiste

Le Québécois Jean-Pierre Taschereau, qui a coordonné pendant l'été 2014 les efforts humanitaires entre les trois pays touchés par l'Ebola, est à moitié soulagé. 

«L'épidémie est terminée, c'est vrai, mais ça ne veut pas dire que la maladie est éradiquée. Il ne faut surtout pas relâcher la vigilance», note celui qui, à l'époque, dirigeait les opérations d'urgences internationales pour la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge.

L'OMS note que les 90 prochains jours seront critiques et nécessiteront une surveillance accrue pour identifier et isoler rapidement de nouveaux cas possibles. 

Au cours des derniers mois, plusieurs cas de résurgence du virus au sein de la population qui a survécu à l'Ebola ont été rapportés, notamment en Sierra Leone. 

«Il semble que pour certaines personnes, le virus peut rester dans des parties du corps plus difficiles d'accès, notamment dans le sperme, note Axelle Ronsse, coordonnatrice d'urgence responsable de l'Ebola pour Médecins sans frontières (MSF). Cependant, ça reste peu fréquent sur une population de 17 000 survivants», ajoute-t-elle.

MSF, qui, comme la Croix-Rouge, a joué un rôle de premier plan dans la lutte contre l'Ebola, prend aujourd'hui en charge les survivants dans les trois pays où ils se trouvent. «Heureusement, ils ont survécu, mais plusieurs ont des symptômes, qu'ils soient d'ordre oculaire, articulaire ou psychologique», dit Mme Ronsse, jointe hier en Belgique. Dans un rapport publié l'été dernier, l'OMS a relevé que plus de 50% des survivants ont des séquelles. Notamment, la vue de 25% d'entre eux a été touchée.

Plus vite, plus fort

Les travailleurs humanitaires qui ont été sur la ligne de feu de l'Ebola s'entendent tous pour dire que la communauté internationale a une grande leçon à retenir de cette épidémie, qui a été signalée à l'OMS en mars 2014, mais seulement déclarée «urgence de santé publique de portée mondiale» à la fin du mois d'août de la même année. 

«Au niveau personnel, la fin de l'épidémie est une victoire amère. On aurait sauvé des milliers de vies si, collectivement, on était intervenus plus tôt, plaide Jean-Pierre Taschereau, même s'il était sur le terrain dès juin 2014. On ne s'est pas mobilisés assez vite. Ç'a pris un cas aux États-Unis et deux en Espagne pour que ça bouge.»