Malgré l'appel du gouvernement canadien enjoignant aux ressortissants qui ne sont pas humanitaires de quitter la zone où sévit l'Ebola, la psychologue Reine Lebel tient à poursuivre son travail en Guinée et s'insurge contre l'isolement des pays frappés par le virus.

«Il y a urgence d'agir. Il faut investir davantage de ressources et envoyer du renfort humanitaire. J'aimerais ça que les gens se mobilisent, mais ça prend du temps», a-t-elle expliqué hier en entrevue avec La Presse.

Depuis maintenant quelques semaines, la Québécoise coordonne l'équipe de soutien psychologique de Médecins sans frontières à Guéckédou, un village en Guinée forestière situé aux frontières du Liberia et de la Sierra Leone. Selon elle, les gouvernements occidentaux, dont le Canada, n'envoient pas assez de ressources. Et les travailleurs de la santé sont épuisés.

Vendredi, la ministre fédérale de la Santé, Rona Ambrose, a demandé aux 216 Canadiens vivant en Guinée, au Liberia et en Sierra Leone de revenir dès que possible au pays «pendant que des vols commerciaux sont encore disponibles».

Pour l'instant, une poignée de compagnies aériennes dessert toujours les zones durement touchées par le virus Ebola. Reine Lebel comprend très bien la problématique, elle qui en a fait les frais au début de son mandat en Guinée alors qu'elle a dû être transportée par l'ONU de la capitale, Conakry, jusqu'au village où elle travaille.

«Ça cause beaucoup de problèmes, car pour aider les gens, on doit pouvoir les atteindre. Mais il ne faudrait pas créer une panique générale en annulant tous les vols commerciaux à destination des pays africains touchés par l'Ebola», a-t-elle affirmé.

Un travail éprouvant, mais nécessaire

Les travailleurs humanitaires canadiens qui partent travailler dans les régions frappées par la fièvre hémorragique vivent des situations éprouvantes, a expliqué à La Presse la Dre Nyassa Navidzadeh, une psychiatre à l'hôpital Jean-Talon qui a travaillé pendant quatre semaines au Liberia cet été. Elle espère pouvoir repartir en Afrique avant le début de l'hiver.

Là-bas, les journées sont longues, raconte Mme Navidzadeh. «On travaille parfois douze heures d'affilée et on ne prend pas congé.» Lorsqu'ils sont dans les centres où on hospitalise les personnes infectées, les travailleurs de la santé doivent aussi enfiler d'imposants habits et masques pour se protéger.

«C'est très chaud, c'est comme rentrer dans un sauna vraiment restreint. Si on est claustrophobe, ça devient impossible. Il faut aussi connaître ses limites et ne pas se pousser au-delà de ce qu'on peut tolérer», résume-t-elle.

Lorsque les médecins vont dans les villages, la combinaison n'est toutefois pas requise. «C'est pourquoi Médecins sans frontières a donné le mot d'ordre que cette mission doit être sans contact. On ne serre pas les mains et on évite de toucher aux gens», dit la Dre Navidzadeh, ajoutant qu'il est possible de démontrer beaucoup d'empathie malgré ces méthodes de travail contraignantes.

Les membres de l'équipe de la psychologue Reine Lebel suivent aussi ce protocole, «qui rend notre pratique médicale assez sécuritaire», explique-t-elle. Le mot d'ordre : toujours se tenir à environ un mètre de distance.

«Avec ces mesures, on peut pratiquer notre travail correctement. Et nous sommes utiles sur le terrain, notamment au chapitre de la sensibilisation et l'éducation», a dit Mme Lebel.

«Nous hébergeons depuis quelques semaines une petite fille qui a survécu à la maladie, mais dont les parents sont morts. La famille ne veut plus la reprendre. Il faut donc leur expliquer qu'il n'y a aucun danger. C'est notre rôle de les convaincre et de leur dire que la vie l'emporte sur la maladie», résume-t-elle.