L'Ukraine est en «guerre réelle» avec la Russie, a martelé le président ukrainien  Petro Porochenko, en prenant pour preuve «irréfutable» la capture des soldats russes présumés inculpés mercredi de «terrorisme» et mettant en garde contre une «offensive» militaire russe possible à tout moment.

Le conflit dans l'est, qui a fait plus de 6200 morts depuis avril 2014, «n'est pas un combat contre des séparatistes soutenus par la Russie, c'est une guerre réelle avec la Russie», a assuré M. Porochenko dans un entretien avec la BBC.

La capture samedi près de la ville de Chtchastia, non loin du fief prorusse de Lougansk, de deux hommes présentés par Kiev comme des militaires russes «est une preuve irréfutable de la présence russe et de l'agression russe contre l'Ukraine», a ajouté le président au cours d'un point de presse avec son homologue slovaque Andrej Kiska.

La veille, les services de sécurité ukrainiens (SBU) avaient invité plusieurs médias internationaux et des représentants de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), de l'Union européenne et de l'ONG Amnistie internationale à se rendre à l'hôpital militaire de Kiev pour y voir les deux hommes blessés au combat. Moscou affirme qu'il s'agit d'«anciens militaires».

Le capitaine Erofeïev et le sergent Alexandrov ont été inculpés de «participation à des activités terroristes» , a annoncé le SBU.

Dans des vidéos de leur interrogatoire diffusées par le SBU, ils disent appartenir à la «troisième brigade des forces spéciales russes, basée à Togliatti», à 800 kilomètres au sud-est de Moscou.

Ils y affirment être entrés en territoire ukrainien il y a plus d'un mois avec environ 200 autres militaires russes pour effectuer des missions de renseignement dans l'est, avec les troupes rebelles qui affrontent les forces gouvernementales.

Kiev et les Occidentaux accusent la Russie d'armer les séparatistes prorusses et d'avoir déployé dans l'est de l'Ukraine des troupes régulières, entre 4000 et 14 000 hommes selon les périodes, a réaffirmé M. Porochenko.

La Russie dément de son côté toute implication dans le conflit chez son voisin, ne concédant que la présence de «volontaires».

Le président ukrainien s'est toutefois montré alarmiste.

«Je pense qu'ils (les Russes) préparent une offensive et je pense que nous devrions être prêts», a assuré M. Porochenko sur la BBC.

Le gouvernement ukrainien a de son côté annoncé la suspension des livraisons à la Russie de tous les équipements militaires et spatiaux sophistiqués, prévues par un accord intergouvernemental remontant à 1993, car ce pays «représente une menace pour l'intégrité territoriale de l'Ukraine».

Kiev fournissait des fusées Zenit pour le programme commercial et militaire russe de lancement de satellites ainsi que les propulseurs du lanceur russe Proton, transportant des vaisseaux cargos vers la Station spatiale internationale.

Confiance rompue

Depuis l'entrée en vigueur d'une nouvelle trêve le 15 février, les autorités ukrainiennes brandissent régulièrement la menace d'une prochaine offensive russe d'envergure, qui ne s'est pour l'instant pas concrétisée.

Le président ukrainien a expliqué ne pas faire confiance à son homologue russe, Vladimir Poutine, mais n'avoir pas d'autre choix que de laisser une chance à la diplomatie. En effet, selon lui, les territoires sous le contrôle des rebelles dans l'est de son pays ne peuvent être repris par la force.

Le Kremlin a immédiatement renvoyé la balle au président ukrainien. «Il faut avant tout comprendre que Kiev fait la guerre à ses propres citoyens. Ils sont bombardés et périssent», a déclaré le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov.

Il a également dénoncé «le manque de confiance au Kremlin» à l'égard de M. Porochenko, accusé de «saper les accords signés».

Il faisait allusion aux accords de paix signés en février à Minsk avec la médiation de la chancelière allemande Angela Merkel et du président français François Hollande en présence de Vladimir Poutine qui ont instauré une nouvelle trêve globalement respectée malgré des combats sporadiques.

Moscou et les séparatistes, mais aussi des Occidentaux, reprochent aux autorités ukrainiennes de tarder à mettre en place la révision constitutionnelle offrant plus de droits aux régions rebelles promise dans les accords de Minsk. Kiev de son côté dit d'abord attendre l'arrêt total des hostilités et le retrait des armes de la ligne de front.