Les Occidentaux ont maintenu mercredi la pression sur la Russie et les séparatistes pour qu'ils respectent la trêve dans l'est de l'Ukraine, au lendemain de longs entretiens entre John Kerry et Vladimir Poutine semblant amorcer un début de détente.

La Russie «doit cesser sa déstabilisation continue et délibérée de l'est de l'Ukraine», ont écrit les 28 pays membres de l'OTAN et l'Ukraine dans une déclaration commune publiée lors d'une réunion à Antalya (sud-ouest de la Turquie). Ils ont demandé à Moscou de «retirer ses forces et équipements militaires du territoire ukrainien».

«Nous sommes à un moment critique pour la Russie et les séparatistes, qui doivent agir pour respecter l'accord de Minsk» signé en février, a jugé le secrétaire d'État américain John Kerry. «Nous espérons vraiment que le président Poutine, la Russie et les séparatistes vont se réunir avec le gouvernement ukrainien pour pleinement mettre en oeuvre (le cessez-le-feu) et faire des progrès».

Le chef de la diplomatie américaine a fait mercredi matin à ses alliés de l'Alliance atlantique le compte-rendu de ses deux rencontres, de quatre heures chacune, avec Vladimir Poutine et son homologue Sergueï Lavrov, la veille à Sotchi (sud-ouest de la Russie).

Qualifiés côté américain de «francs» et «productifs», ces échanges ont été interprétés comme les premiers signes d'une détente entre Moscou et Washington, dont les relations étaient au plus bas après plus d'un an de crise en Ukraine.

Mais ils ont aussi fait naître des craintes d'un fléchissement des États-Unis, MM. Kerry et Lavrov ayant exprimé leur volonté de travailler à nouveau ensemble sur les grands sujets internationaux comme la guerre en Syrie et les négociations pour un accord avec l'Iran sur son programme nucléaire.

«Il y a une vraie nécessité d'engager un dialogue avec la Russie, mais il faut garder en tête qu'il y a une différence entre les discours et les actes», a souligné le ministre belge Didier Reynders.

«Grand scepticisme»

«Un grand scepticisme règne dans les rangs des Alliés européens et encore plus chez ceux qui ont connu la domination soviétique», a-t-il expliqué.

Le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Pavlo Klimkine, a exposé mercredi sa vision de la situation aux 28 membres de l'OTAN, à un moment où «le cessez-le-feu (est) toujours plus fragile», selon le secrétaire général de l'Alliance Jens Stoltenberg.

Le conflit a fait plus de 6200 morts depuis avril 2014 et les belligérants échangent des tirs tous les jours. Ces deux dernières semaines, les combats ont gagné en intensité, notamment autour l'aéroport de Donetsk ou à Chirokiné, village stratégique proche du grand port de Marioupol, faisant parfois plusieurs morts par jour des deux côtés.

Le chef de la diplomatie allemande Frank-Walter Steinmeier a estimé qu'il restait «beaucoup d'obstacles» à la mise en oeuvre de la trêve. «Je ne parlerais pas d'un tournant (...) il faut s'attendre à ce que ça reste un processus long et difficile», a-t-il jugé.

«Nous ne sommes pas là où nous voulions être (...) le cessez-le-feu n'est pas total», a aussi déploré la chancelière Angela Merkel, qui recevait le président ukrainien Petro Porochenko à Berlin.

Sur un ton inhabituellement critique vis-à-vis de Moscou, le premier ministre turc Ahmet Davutoglu a quant à lui dénoncé «l'annexion illégale» de la Crimée par la Russie en mars 2014.

Les Occidentaux réclament la mise en oeuvre complète de plusieurs dispositions des accords de Minsk, à commencer par un retrait total des armes lourdes de la ligne de front par les deux parties. Ils dénoncent «l'obstruction» au travail des observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui ne peuvent accéder à plusieurs points chauds.

Plusieurs ministres ont salué les pourparlers, la semaine dernière, entre Kiev et les rebelles, dans le cadre de groupes de travail sur des questions comme la sécurité, l'économie et l'humanitaire, M. Steinmeier y voyant «un progrès».

M. Kerry est revenu sur les lourdes sanctions imposées à l'économie russe par les États-Unis, mais surtout l'Union européenne. «Nous préférerions ne pas avoir de sanctions, mais les sanctions seront là car c'est un effort pour obtenir la paix que tous veulent en Ukraine», a-t-il assuré.

À ce sujet, «la seule chose qui doit guider nos décisions, ce sont des actes sur le terrain», a martelé M. Reynders.