Les pays occidentaux jouent de la carotte et du bâton avec la Russie dans l'espoir de ramener la paix dans l'est de l'Ukraine, alors que le conflit menace de prendre une nouvelle portée. Un accord pour la «préparation» d'un futur plan de paix a été annoncé hier à Moscou. Explications en cinq temps.

Poutine au centre du jeu

Les pays européens et les États-Unis répètent à qui veut l'entendre que la Russie soutient activement la rébellion en cours dans l'est de l'Ukraine. Le regain de violence des dernières semaines est d'ailleurs, disent-ils, le résultat d'un afflux d'hommes et d'armes sophistiquées en provenance de Moscou. Le président russe Vladimir Poutine s'obstine à démentir toute ingérence de ce type, mais n'en demeure pas moins au centre du jeu, comme en témoigne la venue hier dans la capitale russe du président français, François Hollande, et de la chancelière allemande, Angela Merkel. Les deux politiciens, après un arrêt à Kiev, ont discuté de mesures pour résoudre la crise avec le chef d'État russe, lesquelles prévoient notamment, selon un journal allemand, de conférer un territoire élargi aux rebelles tout en maintenant officiellement l'intégralité territoriale de l'Ukraine. Après plusieurs heures de négociations, un porte-parole du Kremlin a indiqué hier soir à l'Agence France-Presse qu'un accord pour la «préparation» d'un éventuel plan de paix avait été trouvé. De nouvelles discussions entre les chefs d'État doivent avoir lieu demain par téléphone.

Attaquer pour mieux négocier

Lukasz Kulesa, du European Leadership Network, un groupe de recherche installé à Londres, note que les combats des dernières semaines ont permis aux rebelles de prendre le contrôle de l'aéroport de Donetsk, d'élargir leur territoire et de montrer qu'ils «constituent une force combattante importante qui est capable de passer à l'offensive». Leur position renforcée, souligne l'analyste, pourrait faire en sorte que Vladimir Poutine favorise la voie diplomatique en vue de «geler» la situation sur le terrain. Tout cessez-le-feu devra être mis à l'épreuve du temps puisque celui conclu en septembre n'a pas tenu la route. M. Kulesa pense que la Russie a jugé nécessaire alors de relancer l'option militaire en vue de pouvoir arracher des concessions plus importantes à la table des négociations.

Des armes létales

Alors que les grands États européens s'activaient pour obtenir une entente négociée avec Moscou, le gouvernement américain évoquait au cours des derniers jours la possibilité de transférer des armes létales au gouvernement ukrainien. Le nouveau secrétaire à la Défense, Ashton Carter, s'est déclaré favorable à une telle initiative, à l'instar de plusieurs autres élus américains qui insistent sur le fait que la Russie ne comprend rien d'autre que la force. Un haut commandant de l'OTAN a cependant prévenu qu'une telle démarche pourrait susciter une réaction «plus vive» de Moscou. Un porte-parole du ministère des Affaires étrangères russe a d'ailleurs indiqué jeudi que l'envoi d'armes à Kiev serait lourd de conséquences pour les relations américano-russes et favoriserait une escalade dans l'est de l'Ukraine.

Une escalade imprévue?

Dans un éditorial paru hier, le quotidien Le Monde affirme que la crise ukrainienne se trouve à un point de bascule et menace de passer d'un conflit localisé à un «affrontement plus large et plus inquiétant» si aucun accord de paix ne se matérialise. Advenant le cas où le président russe maintient la ligne dure, l'envoi d'armes américaines pourrait déboucher sur un affrontement indirect entre Russes et Américains «au coeur de l'Europe», note le quotidien. Lukasz Kulesa note que les tensions croissantes entre la Russie et l'OTAN pourraient par ailleurs mener à une «escalade imprévue». Son organisation a recensé des dizaines d'événements depuis le printemps dernier - comme le survol à basse altitude par des avions militaires russes de bateaux occidentaux - qui auraient pu dégénérer.

La Grèce dans la mêlée

Les développements militaro-diplomatiques des dernières semaines ont relégué dans l'ombre le fait que la Russie a potentiellement réussi à se faire un nouvel allié au coeur de l'Europe. Le parti Syriza, qui a remporté les dernières élections en Grèce, n'a jamais caché son opposition aux sanctions imposées à l'État russe et pourrait tenter de bloquer tout durcissement à ce sujet. Lukasz Kulesa, du European Leadership Network, note que le nouveau gouvernement grec ne s'est pas opposé pour autant cette semaine à ce que les sanctions déjà en place soient élargies à un plus grand nombre d'individus. Selon lui, le petit pays ne voudra pas se mettre en porte-à-faux avec le reste de l'Europe alors même qu'il doit engager de délicates négociations pour restructurer son étouffante dette. D'autant plus, dit-il, que la possibilité d'une aide financière russe substantielle apparaît très faible. «Pensez que la Russie - qui est aux prises avec une grave crise économique et une guerre en Ukraine - va pouvoir ou vouloir soutenir la Grèce est une fabulation totale», souligne M. Kulesa.