Les États-Unis ont samedi soir jugé «inacceptable» la situation sur le site de l'écrasement de l'avion malaisien dans une zone sous contrôle rebelle dans l'est de l'Ukraine, renouvelant leur appel à la préservation des preuves et à l'accès des enquêteurs internationaux.

Quarante-huit heures après la chute de l'avion assurant le vol Amsterdam-Kuala Lumpur très probablement abattu par un missile avec 298 personnes, dont 192 Néerlandais à bord, les rebelles empêchent l'accès au site aux responsables ukrainiens et aux inspecteurs internationaux.

«Le site n'est pas sécurisé et il y a de nombreux témoignages concernant des corps qui ont été déplacés, des morceaux de l'avion qui ont été emportés, s'accompagnant d'une potentielle falsification des preuves», a déclaré la porte-parole du département d'État américain Jen Psaki.

Le secrétaire d'État John Kerry a fait part samedi à son homologue russe Sergueï Lavrov de la «profonde préoccupation» de Washington et appelé Moscou à prendre des mesures immédiates pour «réduire les tensions en Ukraine» et faire en sorte que les séparatistes prorusses déposent les armes.

«Les États-Unis sont très préoccupés par le fait que, pour la deuxième journée consécutive, les enquêteurs internationaux et de l'OSCE se sont vu refuser un accès adéquat au site de l'écrasement», rapporte le département d'État rendant compte de cette discussion téléphonique «franche et sans détour».

Le chef de la diplomatie néerlandaise Frans Timmermans s'est dit «choqué» et «indigné» par  le traitement des corps au cours d'une rencontre à Kiev avec le président ukrainien Petro Porochenko.

Il a promis de «tout faire pour que les coupables soient traduits en justice» et «non seulement ceux qui ont appuyé sur le bouton, mais ceux qui ont rendu cela possible».

Le premier ministre néerlandais Mark Rutte a pour sa part déclaré à La Haye que le président russe devait «prendre ses responsabilités à l'égard des rebelles», après une «conversation téléphonique intense» avec lui.

«Il doit montrer au monde et aux Pays-Bas qu'il fait ce qu'on attend de lui», a-t-il ajouté.

«Réagir fermement» 

Vendredi et samedi, une trentaine d'inspecteurs de l'OSCE, première équipe internationale arrivée sur les lieux, n'a obtenu qu'un «accès limité» au site étendu sur plusieurs kilomètres où gisent valises éparses, livres, jeux d'enfants et passeports et où règne une odeur presque insoutenable.

Certains débris «semblent avoir été déplacés» sur le site de l'écrasement du Boeing 777 de la Malaysia Airlines, a indiqué samedi soir à Donetsk Michael Bociurkiw, porte-parole de la mission d'observation de l'OSCE.

Il a fait état de «sacs de duty free ouverts» et de «bouteilles d'alcool cassées», mais aussi de débris apparemment brûlés, mais reposant sur des sections du sol qui ne présentaient pas de traces d'incendie.

Le premier ministre britannique David Cameron a plaidé, dans le Sunday Times, pour plus de fermeté vis-à-vis de la Russie, appelant l'Occident à «changer son approche à l'égard de Moscou»: «la Russie peut profiter de cette opportunité pour sortir de cette crise dangereuse qui s'envenime. J'espère qu'elle le fera. Mais si cela ne se fait pas, alors nous devons réagir fermement».

Évoquant une «tragédie atroce», le président américain Barack Obama a souligné vendredi que l'avion avait été touché par un missile tiré d'une zone contrôlée par les séparatistes «soutenus par la Russie». Pour l'Europe, c'est un «signal d'alarme» dans ses relations avec Moscou, avait-il estimé.

La Russie rejette vigoureusement toute responsabilité dans ce drame.

La chancelière Angela Merkel et M. Poutine sont tombés d'accord pour que l'écrasement fasse l'objet d'une enquête internationale et indépendante sous la direction de l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale (OACI).

Mais le ministre malaisien des Transports Liow Tiong Lai a d'ores et déjà déploré que «des indices vitaux» n'aient pas été préservés sur place. «Des interventions sur la scène de l'écrasement risquent de fausser l'enquête elle-même», a-t-il déclaré.

Presque simultanément, le gouvernement ukrainien a accusé les rebelles, soupçonnés d'avoir abattu le Boeing malaisien, de «chercher à détruire, avec le soutien de la Russie, les preuves de ce crime international».

Le site de l'écrasement se trouve en zone rebelle, près de la ville de Chakhtarsk, et le conflit armé en cours entre séparatistes prorusses, qui ont refusé un cessez-le-feu ponctuel, et le gouvernement de Kiev rend les opérations particulièrement complexes.

«Spécialistes avec un net accent russe» 

«Les terroristes ont transporté 38 corps de victimes à la morgue de Donetsk, où des spécialistes parlant avec un net accent russe ont déclaré qu'ils procéderaient à leur autopsie. Les terroristes cherchent aussi des moyens de transport à grande capacité pour emporter les restes de l'avion en Russie», a accusé le gouvernement ukrainien.

Un chef séparatiste a confirmé samedi à des journalistes de l'AFP présents sur le site, à Grabove, que des corps avaient été emmenés à la morgue de Donetsk. «27 corps ont été enlevés ce matin», a-t-il dit. Les combattants prorusses bloquaient l'accès au périmètre de l'écrasement.

Sous le contrôle rebelle, des secouristes portant des uniformes et des gants blancs et bleus sortaient d'un champ de blé pour mettre des morceaux de corps dans de grands sacs mortuaires noirs.

À Donetsk, deux combattants rebelles armés gardaient l'entrée de la morgue, interdisant de la filmer ou la photographier.

Le président Porochenko s'est entretenu samedi au téléphone avec de nombreux dirigeants étrangers.

Dans un entretien de M. Porochenko avec le président français François Hollande, les deux leaders ont souligné «l'importance cruciale d'établir des preuves indiscutables des faits afin de tirer toutes les conséquences de ce drame épouvantable».

La Russie critique les accusations des Américains

La Russie a fustigé plus tôt samedi les accusations américaines selon lesquelles les rebelles prorusses sont responsables de la chute de l'avion de ligne malaisien dans l'est de l'Ukraine, probablement abattu par un missile.

«Les communiqués des représentants de l'administration américaine sont une preuve de la perception profondément aberrante de Washington de ce qui se passe en Ukraine», a déclaré aux agences de presse russes le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov.

«Malgré le caractère évident et indiscutable des arguments fournis par les rebelles et par Moscou, l'administration américaine continue de poursuivre ses propres objectifs», a-t-il ajouté.

«On ne manque pas d'être perplexes en voyant les représentants officiels de certains États s'empresser de donner leurs versions de la catastrophe, en influant ainsi sur le déroulement de l'enquête», a abondé le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué.

Le président américain Barack Obama a affirmé vendredi que l'avion malaisien, qui s'est écrasé jeudi dans l'est de l'Ukraine, avait été abattu par un missile tiré à partir d'une zone contrôlée par les séparatistes prorusses, tandis que les deux camps, ukrainien et prorusse, se rejettent mutuellement la responsabilité.

«La Maison-Blanche établit clairement qui est coupable avant même que l'enquête sur la catastrophe ne commence», a écrit de son côté sur Twitter le vice-premier ministre russe, Dmitri Rogozine, connu pour son franc-parler.

Le quotidien Moskovski Komsomolets citait samedi pour sa part un expert militaire qui affirme que les rebelles ne pouvaient avoir l'expérience et les capacités techniques nécessaires pour utiliser un système aussi complexe que le missile Bouk, soupçonné d'être l'arme à l'origine de la tragédie.

Le journal Kommersant ajoutait de son côté que les dégâts causés par le missile sur l'appareil étaient similaires à ceux qu'avait subis un avion de ligne russe touché par erreur par un missile de l'armée ukrainienne en 2001, une catastrophe qui avait causé la mort de 78 passagers.