Le président russe, Vladimir Poutine, a lancé mercredi une mise en garde à l'Ukraine si elle maintenait son refus du tarif gazier proposé lors des négociations à Bruxelles suspendues sans résultat.

Cependant une certaine détente avait été amorcée ces derniers jours entre Kiev et Moscou qui ont lancé des pourparlers en vue de mettre fin aux combats entre séparatistes et forces loyalistes dans l'est de l'Ukraine qui ont fait 270 morts en deux mois selon un dernier bilan du gouvernement ukrainien, dont 225 dans la seule région de Donetsk où se trouve le bastion prorusse de Slaviansk.

Mais sur le front gazier, l'heure reste à la confrontation.

L'Ukraine a en effet campé mercredi à Bruxelles sur son refus de la proposition russe d'une ristourne de 100 dollars qui ramènerait à 385 dollars le prix du millier de m3 de gaz. L'échec de ces pourparlers maintient le risque pour l'Union européenne de voir ses approvisionnements perturbés en cas de coupure du gaz à l'Ukraine, pays par lequel transite près de la moitié du gaz qu'elle achète à la Russie.

M. Poutine a signifié, lors d'une réunion du gouvernement à Moscou, qu'il s'agissait du dernier prix offert. «Nous estimons que nos propositions sont celles de partenaires, orientées vers le soutien à l'économie ukrainienne à un moment difficile», a-t-il déclaré.

«Mais si nos propositions sont rejetées, alors nous passerons à une tout autre phase, ce n'est pas notre choix. Nous ne le souhaitons pas», a-t-il ajouté. Le géant russe Gazprom a repoussé au 16 juin son ultimatum à l'Ukraine sur le remboursement de sa dette gazière (4,5 milliards de dollars). A la clef, faute de remboursement: le passage à un système de pré-paiement qui pourrait signifier la coupure de l'approvisionnement.

Gazprom avait déjà repoussé son ultimatum du 3 au 9 juin, puis du 9 au 10 juin, après avoir reçu un premier versement par Kiev de 786 millions de dollars.

Le ministre ukrainien de l'Energie, Iouri Prodan, a maintenu, à l'issue des négociations à Bruxelles avec son homologue russe Alexandre Novak et le commissaire européen à l'Energie, Gunther Oettinger, le refus ukrainien.

Niveau «acceptable» pour l'UE

Aucun nouveau rendez-vous n'a été fixé, mais les négociations vont continuer à tous les niveaux, a assuré M. Oettinger, jugeant de son côté que la proposition russe pouvait être «à un niveau acceptable» si Moscou s'engageait à accorder ce tarif pour au moins un an.

Pour Kiev, l'offre de Moscou est à la fois trop élevée, par rapport au 268 dollars en vigueur avant la crise russo-ukrainienne, et sans garantie car ce tarif découlerait d'un rabais décidé par le gouvernement russe et non d'un contrat commercial en bonne et due forme, a expliqué le ministre ukrainien, Iouri Prodan.

La Russie avait fixé le prix de ses livraisons de gaz à un niveau sans équivalent en Europe - 485 dollars le millier de m3 - depuis l'arrivée au pouvoir à Kiev de pro-occidentaux.

Dès mercredi matin, le Premier ministre ukrainien, Arseni Iatseniouk, avait refusé l'offre russe : «Nous connaissons les pièges des Russes: leur réduction est décidée par leur gouvernement, et peut être supprimée par le gouvernement. Notre proposition reste la même, c'est que le contrat soit changé», a-t-il expliqué lors d'un conseil des ministres télédiffusé.

M. Poutine a accusé Kiev de mener «consciemment les pourparlers dans l'impasse».

Le climat s'était pourtant détendu mardi entre Moscou et Kiev, après l'annonce par le nouveau président ukrainien, Petro Porochenko, de la création de couloirs humanitaires réclamés par Moscou, dans les zones de combat de l'Est séparatiste.

M. Porochenko a réaffirmé mercredi sa volonté de dialogue en jugeant possible une «table ronde» entre toutes les parties impliquées dans le conflit dans l'Est. Mais il a répété: «les terroristes doivent déposer les armes», selon un communiqué de la présidence.

Le nouveau président, entré en fonction samedi, s'est entretenu par téléphone avec le vice-président américain Joe Biden pour lui rendre compte des négociations engagées depuis dimanche avec l'ambassadeur de Russie en Ukraine Mikhaïl Zourabov, avec la médiation de l'OSCE.

Par ailleurs, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a souligné la nécessité de mettre au point les conditions d'un cessez-le-feu dans les régions du sud-est de l'Ukraine, lors d'une conversation téléphonique mercredi soir avec son homologue américaine John Kerry à la demande de ce dernier.

M. Lavrov «a souligné la nécessité d'arrêter l'opération militaire de Kiev dans le Sud-Est, de mettre au point les conditions d'un cessez-le-feu, de répondre aux besoins humanitaires urgents et d'établir un véritable dialogue national sur l'avenir de l'Ukraine», selon communiqué .

Pour autant, la rébellion, soutenue selon Kiev et Washington par des armes et combattants venus de Russie, et notamment du Caucase, ne semble pas faiblir. Mercredi, des hommes équipés d'armes automatiques ont pris le contrôle des locaux des services de sécurité (SBU) à Makiïvka, troisième ville de la région de Donetsk.