Notre journaliste Mathieu Perreault dresse ici sa courte liste des papabili. Les dix cardinaux les plus en vue pour succéder à Benoît XVI.

Marc Ouellet

Le Québécois de 69 ans n'a pas eu la vie facile quand il dirigeait l'archevêché de la Vieille Capitale. Mais au Vatican, il est vu comme l'un des héritiers spirituels de Benoît XVI, sinon sa copie conforme. Comme le pape, il est proche d'Urs von Balthazar, un théologien suisse mettant l'accent sur la beauté et la vérité de la foi, et est considéré comme un pédagogue de haut niveau. Il a des liens étroits avec l'Amérique latine, ayant dirigé des séminaires en Colombie, une communauté d'esprit avec la nouvelle génération d'évêques américains - surnommés les « conservateurs créatifs « parce qu'ils sont capables de marier doctrine et modernité - et il est en train de remodeler l'Église québécoise à son image, un exemple de la « nouvelle évangélisation « de l'Occident que réclame Benoît XVI.

Angelo Scola

À 71 ans, il est archevêque de Milan. Pie XI et Paul VI occupaient ce poste avant d'être papes. Il est, comme Marc Ouellet, très proche intellectuellement d'Urs von Balthazar, un théologien suisse qui a présentement la cote à Rome -c'est lui qui a « volé » Mgr Ouellet aux sulpiciens pour l'amener travailler à Rome, en 1997. Par contre, il a été mêlé au scandale Vatileaks : une lettre faisant référence à un complot pour assassiner Benoît XVI visait à favoriser son remplacement par Mgr Scola.

Timothy Dolan

C'est la nouvelle étoile américaine. En moins de 10 ans, il a gravi les échelons de la hiérarchie aux États-Unis, passant d'évêque auxiliaire de Saint-Louis à archevêque de New York et président de la puissante Conférence des évêques catholiques. Il est jeune, 63 ans, charismatique et conservateur sans être extrémiste - il ne refuse pas la communion aux politiciens pro-choix et considère qu'un homosexuel peut être prêtre s'il est chaste. Selon John Allen, du National Catholic Reporter, son discours au consistoire qui l'a fait cardinal, en février dernier, a été électrisant. Mais traditionnellement, un Américain ne peut être pape parce que les États-Unis sont trop puissants géopolitiquement.

Odilo Pedro Scherer

L'archevêque de Sao Paulo est aux premières loges de la compétition avec les Églises protestantes évangéliques en Amérique latine. À 63 ans, il a une feuille de route impressionnante, ayant dirigé la Congrégation pours les évêques entre 1994 et 2001 -ce qui lui donne une bonne idée des problèmes de la curie. Il a croisé le fer avec la Cour suprême brésilienne quand cette dernière a légalisé l'avortement en 2012, mais appuie le mouvement environnemental et le volet « aide aux pauvres » de la théologie de la libération. Il n'a pas hésité à affronter une grève des étudiants et des professeurs de l'Université pontificale de Sao Paulo, qui n'acceptaient pas son choix de recteur -mais ses partisans notent que le recteur est une rectrice, une première dans une université catholique latino-américaine.

Christopher Schönborn

À 67 ans, l'archevêque de Vienne est bien placé pour rapprocher les Églises catholique et orthodoxe russe, comme il a passé sa carrière sur la frontière du Grand schisme. Il a su endiguer une protestation de prêtres autrichiens -qui réclamaient entre autres l'ordination des femmes- tout en conservant une bonne communication avec les rebelles. Mais son étoile a pâli en 2010 quand il a vertement critiqué l'alors numéro deux du Vatican, Angelo Sodano pour sa gestion lente d'un scandale de pédophilie impliquant un évêque autrichien -critiquer ses collègue est mal vu au Saint-Siège.

Gianfranco Ravasi

Un candidat-surprise, principalement mentionné par John Allen, un influent vaticaniste américain. Il a 70 ans et préside le Conseil pontifical pour la culture. Brillant et médiatique, mais cardinal depuis seulement trois ans, il s'occupe depuis cinq ans des credos catholiques qui heurtent le plus la société moderne : contraception, avortement, euthanasie. Sa candidature aurait été récemment favorisée par une décision favorable de la Congrégation pour la doctrine de la foi, le chien de garde de l'orthodoxie catholique, envers un théologien espagnol qu'il avait appuyé.

Péter Erdö

L'archevêque de Budapest est jeune, 60 ans, mais a été chargé de plusieurs missions importantes par le Vatican et préside le Conseil européen des évêques depuis deux ans. À ce dernier poste, il a forgé des liens étroits avec les évêques africains. Il ne peut être soupçonné d'être réformiste, avec un post-doctorat à une université de l'Opus Dei et une enquête formelle sur des erreurs doctrinaires dans l'Église péruvienne. Mgr Erdö a de plus une approche originale pour la « Nouvelle évangélisation de l'Occident », ayant formé des brigades de laïcs qui vont de porte à porte pour ramener les catholiques à l'église à Budapest, un peu comme les témoins de Jéhovah. Il a récemment été attaqué par l'extrême-droite hongroise, l'une des plus active du continent, pour ses liens étroits avec la communauté juive.

Leonardo Sandri

Né en Argentine de parents italiens en 1943, il pourrait attirer les votes italiens et latino-américains, actuellement préfet de la Congrégation pour les Églises orientales. Il a fait son entière carrière au Vatican, dans le service diplomatique, où il s'est taillé une réputation de gestionnaire intransigeant et efficace, selon John Allen du National Catholic Reporter. C'est lui qui, en 2005, a annoncé au monde entier, du balcon de la place Saint-Pierre, la mort de Jean-Paul II. Par contre, il n'a jamais dirigé de diocèse, ce qui pourrait lui nuire.

Peter Turkson

C'est le seul papabile qui a bénéficié d'une campagne publicitaire sur les murs de Rome -qu'il n'avait évidemment pas autorisée. Après plusieurs rôles pastoraux au Ghana et au sein des conférences d'évêques africains, il a été nommé en 2009 à la tête du Conseil pontifical pour la justice et la paix. Mais à 64 ans, il a des points de vue profondément enracinés qui pourraient heurter les sensibilités occidentales : opposition à l'homosexualité et anti-islamisme, condamnations du « néolibéralisme » et appels à un « gouvernement mondial » qui réglementerait l'économie.

Luis Antonio Tagle

Il est le deuxième plus jeune cardinal, avec seulement 55 ans. Mais l'archevêque de Manille a séduit beaucoup de fidèles et de ses collègues avec ses homélies au Congrès eucharistique de Québec en 2008. Et l'Asie est au premier rang des nouvelles conversions, avec l'immense potentiel de la Chine et de l'Inde. Il a une réputation d'affabilité, de charisme énergique et d'humilité -il prend l'autobus pour se rendre à son bureau et invite régulièrement des mendiants à partager son repas. Mais il n'a aucune expérience du Vatican et son élection signifierait un pontificat encore plus long que celui de Jean-Paul II, qui avait 58 ans lors du conclave qui l'a choisi.