La recherche d'informations sur d'autres pays n'est «pas inhabituelle», a estimé lundi le secrétaire d'État américain John Kerry, en pleine controverse sur le programme d'espionnage de la NSA, qui aurait visé les institutions de l'UE et des millions de citoyens européens.

Rencontrant son homologue européenne Catherine Ashton, le chef de la diplomatie américaine a refusé de faire un commentaire direct sur la controverse suscitée par les allégations d'espionnage par l'Agence nationale de sécurité (NSA).

«Lady Ashton a en effet évoqué (la question, NDLR) avec moi aujourd'hui et nous avons convenu de rester en contact. J'ai accepté de chercher à découvrir exactement de quoi il s'agit et je lui ferai part de mes conclusions», a déclaré M. Kerry à la presse.

«Je dirai que chaque pays dans le monde qui est impliqué dans les affaires internationales, de sécurité nationale, exerce de nombreuses activités afin de protéger sa sécurité nationale et toutes sortes d'informations qui peuvent y contribuer», a-t-il ajouté.

«Tout ce que je sais, c'est que cela n'est pas inhabituel pour un grand nombre de pays».

M. Kerry s'entretenait avec Mme Ashton en marge d'une réunion des ministres des Affaires étrangères d'Asie-Pacifique au Bruneï, un petit sultanat situé sur l'île de Bornéo, en pleine polémique sur l'espionnage américain.

Les Européens ont exigé des explications sur le programme d'espionnage américain, qui aurait visé les institutions de l'UE et des millions de citoyens européens, alors que le quotidien britannique The Guardian a affirmé dimanche que la France, l'Italie et la Grèce figuraient parmi les 38 «cibles» surveillées par l'agence américaine.

Face au déluge de documents communiqués via l'ancien consultant américain de la NSA, Edward Snowden, au coeur d'un imbroglio mondial digne des meilleurs romans d'espionnage, Bruxelles a averti même de possibles conséquences sur la négociation d'une zone de libre-échange transatlantique.

«Entre partenaires, on n'espionne pas!», a lancé dimanche au Luxembourg la commissaire européenne à la Justice, Viviane Reding.

«On ne peut pas négocier sur un grand marché transatlantique s'il y a le moindre doute que nos partenaires ciblent des écoutes vers les bureaux des négociateurs européens», a-t-elle estimé, en réclamant que les États-Unis «dissipent ces doutes très rapidement».

La Direction nationale du renseignement américain (ODNI), qui chapeaute les 17 agences de renseignement du pays, dont la NSA, a indiqué dans un communiqué transmis à l'AFP que les États-Unis «répondront de façon appropriée» à l'UE et à ses États membres par les canaux diplomatiques.

L'hebdomadaire allemand Der Spiegel a assuré dimanche que Prism, le programme d'espionnage de la NSA, avait visé les institutions de l'Union européenne.

Le Spiegel fonde ses accusations sur des documents confidentiels dont il a pu avoir connaissance grâce à Snowden.

La France a demandé des explications «dans les plus brefs délais». «Ces faits, s'ils étaient confirmés, seraient tout à fait inacceptables», a déclaré le chef de sa diplomatie, Laurent Fabius.

La ministre française de la Justice, Christiane Taubira, est allée plus loin, en estimant que si Washington avait bel et bien mené les opérations d'espionnage décrites par le Spiegel, ce serait «un acte d'hostilité inqualifiable».

Selon le Spiegel, le programme était constitué non seulement de micros installés dans le bâtiment de l'UE à Washington, mais aussi d'une infiltration du réseau informatique qui lui permettait de lire les courriers électroniques et les documents internes. La représentation de l'UE à l'ONU était surveillée de la même manière, toujours selon ces documents.

L'affaire Snowden devrait également être abordée lors d'une rencontre prévue mardi entre M. Kerry et son homologue russe Sergueï Lavrov à la réunion ministérielle du Bruneï.

Moscou a refusé d'extrader Snowden, recherché aux États-Unis pour espionnage.

S'adressant lundi à ses homologues d'Asie-Pacifique, M. Kerry a par ailleurs appelé à l'apaisement en mer de Chine méridionale, où les revendications territoriales chinoises sont en butte à plusieurs pays de la région.

«Les États-Unis éprouvent un intérêt national au maintien de la paix et de la stabilité, au respect du droit international, à des échanges commerciaux sans entraves et à la liberté de navigation en mer de Chine méridionale», a-t-il déclaré.

La Chine revendique la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale, carrefour de routes maritimes vitales pour le commerce mondial.

Outre les Philippines, le Japon, Taïwan, le Vietnam, la Malaisie et Bruneï ont également des différends territoriaux maritimes avec Pékin.

La tension est encore montée d'un cran à ce sujet dimanche quand les Philippines ont estimé que la présence militaire et paramilitaire chinoise «massive» en mer de Chine méridionale représentait une «menace» pour la paix dans la région.