Les premières rations alimentaires ont été distribuées samedi dans le centre de Port-au-Prince: un hélicoptère de l'armée américaine a jeté dans un stade une demi-douzaine de cartons sur lesquels des Haïtiens affamés se sont jetés dans une cohue indescriptible.

Certains allaient jusqu'à défendre la manne tombée du ciel à la machette.

L'hélicoptère est arrivé lentement dans le ciel de la capitale haïtienne, à basse altitude, en direction du stade Delmas de la place de la paix.

Des centaines d'enfants et de jeunes adultes ont couru derrière lui dans l'enfilade des rues qui mènent au stade où des milliers d'Haïtiens campent depuis le tremblement de terre qui aurait fait jusqu'à 50.000 morts.

L'hélicoptère est resté positionné quelques secondes en vol stationnaire au-dessus de l'enceinte sportive, derrière une tribune, à une vingtaine de mètres de hauteur.

Dans le souffle des pales de l'hélicoptère, sous ses moteurs vrombissant, ses poursuivants ont traversé en courant, dans une cohue rageuse, le terrain de football. Avant d'escalader la tribune en partie effondrée, puis un mur de près de deux mètres.

Un soldat en treillis assis à l'entrée de l'hélicoptère a jeté une poignée de petits cartons, contenant chacun une dizaine de rations alimentaires, sur le toit en béton d'un immeuble endommagé par le séisme qui jouxte directement le stade. L'hélicoptère est immédiatement reparti.

Sous le poids de la foule, le toit s'est mis à bouger, a constaté un journaliste de l'AFP. Deux hommes qui se sont emparés d'un des cartons ont brandi une machette pour défendre leur butin.

De retour sur le terrain de football, une vingtaine, puis une cinquantaine de personnes se sont bagarrées pour récupérer un des cartons, sans que la rixe n'aille jusqu'à dégénérer.

Au bout de quelques minutes une femme pouvait ainsi exhiber son trésor d'un jour: un paquet marron portant l'inscription «Ready to eat individual meal» (ration alimentaire individuelle prête à manger).

«Je pensais qu'ils viendraient vraiment nous aider. Et ils ne se sont même pas posés», tempête toutefois Rosier Bénice, un père de famille qui dort dans le stade depuis le tremblement de terre.

«Ce n'est pas bon ça, ce n'est pas bon. Ils devraient atterrir au milieu du stade pour donner à manger à tout le monde. Là, seules quelques personnes ont eu une ration. Moi j'attends que des gens viennent nous aider, pas des hélicoptères», a témoigné un autre homme, Jean-Patrice Edmond, 35 ans, qui vit avec femme et enfants dans le stade.

La chef de la diplomatie américaine, Hillary Clinton, a indiqué samedi matin alors qu'elle était en route pour Haïti que les militaires américains avaient tenté d'établir des zones d'atterrissage pour permettre à des hélicoptères de livrer de l'aide mais que ce plan avait dû être abandonné lorsque l'armée avait réalisé que les Haïtiens envahiraient ces sites à chaque atterrissage.

Des responsables du département d'Etat ont aussi demandé aux militaires américains si des fournitures pouvaient être parachutées aux Haïtiens mais il leur a été répondu que c'était «trop dangereux».

L'arrivée de l'aide internationale à Haïti est par ailleurs entravée par des difficultés logistiques, l'aéroport international, contrôlé depuis peu par les Américains, étant engorgé.