La procureure de la Cour pénale internationale (CPI) a ouvert vendredi un examen préliminaire, étape préalable à une enquête, sur des crimes de guerre présumés en Palestine, une décision immédiatement dénoncée par Israël, qui la juge «scandaleuse».

Cet examen préliminaire est la dernière conséquence de l'offensive diplomatique déclenchée à l'ONU par les Palestiniens, qui avaient adhéré à la Cour le 2 janvier. En réaction, Israël avait alors suspendu le versement d'une centaine de millions d'euros (environ 138 millions de dollars) de taxes collectées pour le compte de l'Autorité palestinienne.

Un examen préliminaire sert à déterminer s'il existe une «base raisonnable» pour ouvrir une enquête, a précisé le bureau du procureur dans un communiqué : «le procureur analysera en particulier les questions liées à la compétence, à la recevabilité et aux intérêts de la justice».

L'adhésion de la Palestine à la CPI autorisera les Palestiniens à y demander des comptes aux dirigeants israéliens pour des opérations militaires futures à Gaza ou pour l'occupation par Israël de la Cisjordanie, notamment. Le procureur pourra ouvrir des enquêtes dès le 1er avril.

En même temps que sa demande d'adhésion, l'Autorité palestinienne avait envoyé à la Cour un document autorisant le procureur à enquêter sur des crimes présumés commis dans «les territoires palestiniens occupés depuis le 13 juin 2014».

C'est à cette date qu'Israël avait déclenché une vaste campagne d'arrestations en Cisjordanie occupée suivie de la guerre à Gaza.

Cette campagne d'arrestations avait débuté au lendemain de l'enlèvement en Cisjordanie de trois jeunes Israéliens, qui ont ensuite été assassinés. Pendant les trois mois qui ont suivi, plus de 2000 Palestiniens ont été arrêtés dans ce territoire et à Jérusalem.

Le cycle des violences s'est ensuite emballé, notamment dans la Ville sainte, secouée par des affrontements et plusieurs attentats.

Moins d'un mois plus tard, Israël lançait sa troisième offensive contre la bande de Gaza en six ans, provoquant la mort de près de 2200 Palestiniens, en grande majorité des civils. Plus de 70 personnes sont mortes côté israélien, presque exclusivement des soldats.

«Décision scandaleuse»

Israël a jugé «scandaleuse» l'ouverture de l'examen préliminaire : cette décision a pour seul objectif de «saper le droit d'Israël à se défendre contre le terrorisme», a affirmé le ministre israélien des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman.

Israël, qui ne figure pas parmi les 123 États à avoir adhéré au Statut de Rome à ce jour, ne devrait pas coopérer avec la Cour, a-t-il également assuré.

Les Palestiniens, pour leur part, ont exprimé leur satisfaction. «Tout se passe comme prévu», a déclaré à l'AFP le chef de la diplomatie palestinienne, Riyad al-Malki, «aucun État, personne ne peut arrêter ce que nous avons lancé, et au bout du compte c'est une véritable enquête qui aura lieu après l'enquête préliminaire».

L'ONG Amnistie internationale a, quant à elle, affirmé que cet examen préliminaire «pourrait éventuellement mener à une enquête de la CPI sur les crimes commis par toutes les parties en Israël et en Palestine et briser la culture de l'impunité qui a perpétué un cycle de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité».

La CPI, installée à La Haye, est compétente pour poursuivre des auteurs présumés de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis depuis le 1er juillet 2002.

Dans le passé, l'Autorité palestinienne avait déjà tenté de reconnaître la compétence de la Cour, mais un examen préliminaire avait conclu que la CPI ne pouvait ouvrir une enquête, car la Palestine ne disposait à l'époque que du statut «d'entité observatrice» à l'ONU.

La Palestine a obtenu depuis, fin 2012, le statut d'État observateur, ce qui lui permet d'adhérer à de nombreuses conventions internationales, dont la CPI.

«Ironie tragique»

Le porte-parole du département d'État américain Jeff Rathke a qualifié d'«ironie tragique (le fait) qu'Israël, qui a fait face à des milliers de roquettes terroristes tirées contre ses habitants et leurs quartiers, soit maintenant l'objet d'un examen de la part de la CPI».