Les Palestiniens faisaient monter la tension en brandissant le spectre d'une reprise des combats, à quelques heures de l'expiration vendredi matin du fragile cessez-le-feu en vigueur depuis mardi dans la bande de Gaza.

Israéliens et Palestiniens poursuivaient au Caire dans la nuit avec l'entremise des Égyptiens des pourparlers indirects, intenses et extrêmement ardus pour que le cessez-le-feu censé expirer vendredi à 8 h se transforme en trêve durable et ne cède pas le pas à une nouvelle effusion de sang.

«Je ne suis pas sûr que la bataille soit terminée», a affirmé jeudi le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou sur la chaîne américaine Fox News.

«Tout dépend s'ils [les militants du Hamas, qui contrôle la bande de Gaza] veulent continuer cette bataille. Je pense que nous devons trouver une solution pacifique, si on le peut», a-t-il ajouté, affirmant en outre qu'Israël n'a «rien contre le peuple de Gaza» et veut l'aider à se débarrasser de la «tyrannie effrayante» du Hamas.

Alors qu'un dangereux compte à rebours était lancé, la branche armée du Hamas a pressé depuis Gaza la délégation palestinienne au Caire de «ne pas accepter de cessez-le-feu si elle n'obtient pas satisfaction sur les demandes de notre peuple», et s'est dite prête «à se lancer de nouveau dans la bataille».

Le porte-parole des brigades Al-Qassam, Abou Obaida, présente la possibilité de construire un port sur la Méditerranée comme la première des exigences de son organisation. Il réclame aussi «la fin véritable de l'agression [israélienne] et une vraie levée du siège».

Les brigades et la délégation au Caire «livrent la même bataille et se complètent l'un l'autre», a dit à l'AFP au Caire l'un des membres de la délégation, Izzat el-Rishq, un des dirigeants en exil du Hamas.

Des responsables du Hamas ont auparavant, mais sous couvert de l'anonymat, laissé filtrer les menaces sans qu'il soit possible d'apprécier si elles reflétaient la réalité de la négociation ou si elles relevaient de la manoeuvre publique.

«Si Israël continue de temporiser, nous ne prolongerons pas le cessez-le-feu», a ainsi déclaré à l'AFP un membre de la délégation palestinienne au Caire.

Les Israéliens, eux, observaient la plus grande discrétion.

Navettes entre Israël et Le Caire

Soucieux de dicter leurs termes aux négociations et de ne pas paraître céder aux revendications du Hamas, ils ont pris les devants dès mercredi soir et ont annoncé accepter une prolongation illimitée du cessez-le-feu, sous réserve qu'elle ne soit assortie d'aucune condition.

Dans un signe apparent que les discussions indirectes n'étaient pas rompues, leur délégation envoyée au Caire est revenue au pays jeudi, sans doute pour prendre ses instructions, et est repartie dans l'après-midi pour la capitale égyptienne, a dit un responsable.

Les Égyptiens devaient rencontrer les Palestiniens tard dans la soirée, avant que les Palestiniens ne se retrouvent entre eux dans la nuit pour prendre une décision, selon des informations recueillies au Caire.

«À l'heure actuelle, rien n'est sûr. D'un côté l'opinion publique à Gaza, dans la région, et la communauté internationale demandent au Hamas de ne pas quitter les négociations, a indiqué un responsable militaire israélien. De l'autre, la branche militaire du Hamas a prévenu qu'elle pourrait recommencer à tirer des roquettes.»

L'armée israélienne, elle, a retiré ses troupes de Gaza, mais se tient prête le long de la frontière à répondre à toute reprise des combats.

Israéliens et Palestiniens ont engagé les discussions avec des exigences apparemment inconciliables, mais sous la pression du terrible bilan humain de la guerre.

L'opération «Bordure protectrice» déclenchée le 8 juillet par Israël pour faire cesser les tirs de roquettes contre son territoire et détruire le réseau de tunnels servant au Hamas à s'infiltrer en Israël a tué 1886 Palestiniens, dont 430 enfants et adolescents, selon le ministère palestinien de la Santé. Selon l'Unicef, 73 % des victimes sont des civils.

Côté israélien, 64 soldats et trois civils ont péri.

Les Gazaouis «ont besoin d'espoir»

Le président américain Barack Obama a mis son poids dans la balance jeudi en exhortant les négociateurs dépêchés au Caire à s'entendre.

Il a implicitement pressé Israël, dont les États-Unis sont le principal allié, d'accepter de lever le blocus imposé à la bande de Gaza et de répondre ainsi à une attente primordiale des Palestiniens.

Les Palestiniens ordinaires qui vivent dans le territoire contrôlé par le Hamas «ont besoin d'espoir» et il doit y avoir «une reconnaissance du fait que Gaza ne peut pas subvenir à ses besoins en étant coupée du monde, sans pouvoir donner une chance, des emplois, de la croissance, à sa population», a-t-il dit.

La guerre a mis au tapis l'économie de ce territoire exigu de 41 km de long sur 12 km de large au maximum, sur lequel 1,8 million de personnes coincées entre Israël, l'Égypte et la Méditerranée tentent de survivre à un blocus imposé depuis 2006 par l'État hébreu.

Malgré la crainte d'une reprise des combats et l'épuisement, la vie des Gazaouis a renoué depuis mardi avec un semblant de normalité, avec ses embouteillages et ses magasins ouverts. Mais le spectacle d'hommes passant la nuit dans des abris de fortune sur les ruines de leur maison rappelait l'épreuve endurée.

À Chajaya, banlieue dévastée de la ville de Gaza, l'ancien porte-parole du Hamas Ayman Taha a été trouvé mort jeudi, a annoncé le mouvement islamiste, après que l'appartement «où il se trouvait avec plusieurs autres personnes» eut été bombardé par Israël.

L'ONU demande une prolongation de la trêve

L'ONU a appelé jeudi à prolonger la trêve entre Israël et le Hamas pour permettre aux Palestiniens de Gaza de recevoir l'aide humanitaire dont ils ont désespérément besoin, quelques heures avant la fin du cessez-le-feu en vigueur depuis mardi.

«Le cessez-le-feu de 72 heures entre Israël et les factions palestiniennes qui est entré en vigueur le 5 août doit continuer à tenir», a déclaré dans un communiqué le coordinateur des opérations humanitaires de l'ONU dans la bande de Gaza James Rawley.

«Nous devons rapidement augmenter l'échelle de notre intervention (humanitaire) pour répondre aux besoins des gens de Gaza, maintenant et à plus long terme. Mais, pour ce faire, nous avons besoin d'un arrêt prolongé des violences», a-t-il souligné.

La trêve de 72 heures qui a mis fin à quatre semaines d'un conflit meurtrier entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza, où 1886 Palestiniens ont trouvé la mort, doit expirer vendredi matin à 5h GMT.

La tension montait jeudi soir dans la crainte d'une reprise des hostilités, les Palestiniens accusant Israël de «temporiser» et brandissant le spectre d'une reprise des combats dans les ultimes heures de discussions sur la prolongation du cessez-le-feu en vigueur.

Quelque 520 000 Palestiniens déplacés par les combats sont rentrés chez eux, mais plus de 65.000 personnes n'ont plus d'endroit où vivre, plus de 10.000 maisons ou appartements ayant été détruits ou sévèrement endommagés, selon le communiqué de l'ONU.

Le document a également relevé les «dégâts et destructions généralisés d'infrastructures de base, notamment les réseaux d'eau et d'hygiène publique, les lignes électriques et la centrale électrique de Gaza, ainsi que les dégâts (subis par) des dizaines d'installations médicales et écoles».

Au cours des deux derniers jours, les travailleurs humanitaires ont distribué des vivres à «des centaines de milliers de gens», et la réparation du réseau d'eau et d'assainissement est en cours, a souligné M. Rawley.

Il a également appelé à «une levée totale du blocus de la bande de Gaza, sans laquelle les Palestiniens de Gaza continueront à être privés (...) d'une vie normale, et l'effort massif de reconstruction qui est actuellement nécessaire sera impossible».