L'Américain John Kerry et l'Iranien Mohammad Javad Zarif ont négocié lundi d'arrache-pied en vue de sceller un accord politique sur le programme nucléaire de Téhéran, mais un diplomate américain s'est montré dubitatif sur les chances d'y parvenir fin mars.

«L'Iran doit encore faire des choix très difficiles et qui s'imposent afin de répondre aux importantes préoccupations qui subsistent sur son programme nucléaire», a mis en garde ce responsable américain, après plus de cinq heures de discussions entre les ministres des Affaires étrangères américain et iranien à Lausanne.

«Nous continuons d'espérer pouvoir y arriver, mais très franchement nous ne savons toujours pas si nous le pourrons», a insisté ce diplomate, qui n'a pas une seule fois fait état auprès de journalistes de progrès dans les dernières discussions entre l'Iran et les États-Unis qui ont commencé dimanche dans la ville suisse.

Après 12 ans de tensions internationales et 18 mois de pourparlers intenses, la République islamique et les grandes puissances du groupe 5+1 (États-Unis, Chine, Russie, Royaume-Uni, France, et Allemagne), sous l'égide de l'Union européenne, se sont donné jusqu'au 31 mars pour sceller un règlement qui garantirait que l'Iran ne possèdera jamais la bombe atomique, en échange d'une levée des sanctions.

«De nombreux sujets ont été évoqués, des sanctions à la lettre de sénateurs du Congrès [...], nous voulons connaitre la position du gouvernement à ce sujet», a affirmé de son côté M. Zarif, cité par le site de la télévision publique iranienne.

«Pour certains nous sommes plus près d'une solution, pour certains une solution est entièrement à portée de main, mais pour d'autres nos points de vue diffèrent», a encore dit le chef de la diplomatie iranienne, qui a précisé que les discussions allaient se poursuivre jusqu'à vendredi, et «nous verrons ce qu'il en sortira».

M. Zarif s'est rendu dans l'après-midi à Bruxelles pour voir la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini, puis ses homologues allemand Frank Walter Steinmeier, français Laurent Fabius et britannique Philip Hammond, a indiqué l'UE dans un communiqué.

Avant cette double réunion irano-européenne, Mme Mogherini a prévenu que les deux semaines à venir étaient «cruciales» afin de «trouver un terrain d'entente pour un bon accord». M. Hammond, lui, a estimé que si les parties «s'approchaient» d'une solution, «il restait un long chemin» à parcourir.

À la suite d'un accord provisoire conclu en novembre 2013, le 5+1 et l'Iran ont repoussé par deux fois la date butoir pour un règlement définitif. Et Washington a prévenu qu'il n'y aurait pas d'autre prolongation.

En cas d'accord politique d'ici au 31 mars, le 5+1 et Téhéran sont convenus de finaliser d'ici au 30 juin/1er juillet tous les détails techniques de ce règlement général.

Ce document de quelques feuillets fixerait les grands chapitres pour garantir le caractère pacifique des activités nucléaires iraniennes. Il établirait aussi le principe du contrôle des infrastructures de Téhéran, la durée de l'accord et le calendrier d'une levée progressive des sanctions.

Levée des sanctions

Sur ce point précis concernant le rythme de suspension des sanctions, l'Iran et le 5+1 sont en désaccord. Téhéran voudrait une levée en une seule fois de mesures punitives prises ces dernières années par l'ONU, les États-Unis et l'UE, qui l'étouffent économiquement et l'isolent diplomatiquement.

Le président Barack Obama a maintes fois promis qu'il ferait tout, y compris militairement, pour empêcher l'Iran de posséder un jour la bombe.

Mais depuis septembre 2013 et sa conversation téléphonique avec son homologue iranien, Hassan Rohani, il mise sur la carte diplomatique avec Téhéran et a fait d'un rapprochement avec la puissance chiite une priorité de sa politique étrangère.

Une possible percée historique sur le nucléaire iranien a toutefois déclenché une levée de boucliers au Congrès américain, contrôlé par les républicains. «Apparemment, l'administration est sur le point de conclure un très mauvais accord avec l'un des pires régimes du monde, et qui leur permettrait de garder leur infrastructure nucléaire», avait dénoncé dimanche le chef des républicains du Sénat, Mitch McConnell.