«Va ton chemin, âme révolutionnaire et aimante». De Soweto au Cap, de Londres à Bethléem, des fidèles de toutes confessions ont prié dimanche pour Nelson Mandela, au premier jour d'une semaine de deuil qui s'achèvera avec son inhumation le 15 décembre.

Des chants, des homélies et des prières se sont élevés dans des églises, mosquées, temples et synagogues à travers tout le pays.

Rassemblés autour des valeurs universelles de «Madiba» (son nom de clan), plusieurs dizaines de dignitaires étrangers ont annoncé leur arrivée en Afrique du Sud.

Au moins 53 chefs d'État et de gouvernement, dont les présidents américain Barack Obama et français François Hollande, assisteront aux cérémonies officielles en hommage au père de la Nation arc-en-ciel, décédé jeudi à 95 ans.

«Il a prêché et mis en pratique la réconciliation», a rappelé le président sud-africain Jacob Zuma, lors d'une cérémonie dans une église méthodiste, en appelant ses concitoyens à faire vivre cet héritage d'«unité».

À sa libération après 27 ans dans les geôles du régime d'apartheid, Nelson Mandela a tendu la main à la minorité blanche et évité une guerre civile.

Malgré tout, Blancs et Noirs restent encore souvent à distance. Mais dimanche, déclarée «journée nationale de prières et de réflexions», ils se sont retrouvés dans leurs hommages à Nelson Mandela.

«Il a combattu pour nous, les Noirs d'Afrique du Sud et du continent africain», soulignait Tutu Phankisa, une paroissienne de l'église de la Sainte Croix, dans le township de Nyanga, au Cap, qui a fondu en larmes en découvrant le portrait du grand homme affiché dans l'édifice.

L'émotion était tout aussi palpable à Johannesburg, dans la petite église réformée néerlandaise dont le culte avait été érigé en religion quasi officielle par le régime ségrégationniste qui y trouvait une justification idéologique.

«Pensez aux années 1990 et aux peurs que nous avions alors», a rappelé aux fidèles le révérend André Barlett. «Sous la direction de M. Mandela, aucune de ces peurs ne s'est réalisée», a-t-il ajouté devant une assemblée totalement blanche.

Ces pleurs ne reflétaient pas, toutefois, l'ambiance générale dans le pays qui, depuis l'annonce du décès de son héros, exprime sobrement son émotion.

Cérémonie traditionnelle Thembu

Depuis plusieurs années, le premier président noir du pays avait disparu de la vie publique et ses hospitalisations répétées avaient préparé l'opinion à son départ.

«Il était temps qu'il parte, il était vieux et très malade», soulignait ainsi Zanele Sibiya devant la grande église catholique Regina Mundi de Soweto, haut lieu de résistance à l'apartheid, où le prêtre a salué le départ d'une «lumière dans l'obscurité».

On a aussi prié pour Nelson Mandela ailleurs dans le monde. À Londres, l'archevêque de Canterbury Justin Welby a ainsi salué «le courage» et «l'humanité» de Nelson Mandela au cours d'un service spécial en son honneur.

À Bethléem, les chrétiens palestiniens ont loué un symbole de la «libération du colonialisme et de l'occupation pour tous les peuples aspirant à la liberté».

«Le poids de notre douleur et de notre souffrance est allégé par ces effusions nationales et internationales», a commenté sa famille, par la voix de son porte-parole le général TT Matanzima.

Dimanche n'était que le premier jour d'une semaine de deuil national qui se poursuivra lundi par un hommage du Parlement.

Mardi, une cérémonie officielle, diffusée dans tout le pays, se tiendra à partir de 11 h (4 h à Montréal) dans le stade de Soccer City à Johannesburg, où des personnalités étrangères devraient prendre la parole. C'est là que Nelson Mandela avait fait sa dernière apparition publique en juillet 2010, pour la finale de la Coupe du monde de football.

Le corps du héros de la lutte anti-apartheid sera transféré mercredi en grande pompe dans l'amphithéâtre d'Union Buildings, le siège de la présidence à Pretoria, où il sera exposé pendant trois jours,  avec des processions prévues tous les matins.

Après une cérémonie d'adieu sur une base militaire de la capitale, le corps de Mandela sera transporté dans sa province natale du Cap oriental (sud), et conduit en procession jusqu'à Qunu, le village de son enfance. Les Thembus, sa tribu, l'accueilleront par une cérémonie traditionnelle, avant son inhumation dimanche, auprès de ses parents et de trois de ses enfants.

Les grands de ce monde et des artistes qui étaient proches de Mandela assisteront soit à la cérémonie de Qunu, soit à celle de Soccer City. Cette dernière solution a été notamment choisie par Barack Obama, François Hollande et le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon.

En revanche, le Dalaï lama, qui s'est vu refuser par deux fois un visa pour l'Afrique du Sud ces dernières années, ne se rendra pas aux funérailles de Nelson Mandela, prix Nobel de la Paix comme lui.

PHOTO OLIVIA HARRIS, REUTERS

Des fleurs et des messages ont été déposés devant le Haut-commissariat de l'Afrique du Sud, à Londres.

Mandela n'était plus sous assistance respiratoire

JOHANNESBURG - Le héros de la lutte anti-apartheid Nelson Mandela n'était plus sous assistance respiratoire quand il a émis son dernier souffle, en présence de ses proches, ont rapporté dimanche les médias sud-africains.

«À l'heure de sa mort, jeudi soir, il n'était plus sous assistance respiratoire et respirait par lui-même», selon l'hebdomadaire Sunday Times.

Le premier président noir d'Afrique du Sud a été hospitalisé à plusieurs reprises ces dernières années en raison d'infections pulmonaires, et a dû être placé à plusieurs reprises sous assistance respiratoire.

Jeudi, plusieurs membres de sa famille, dont son petit-fils Mandla revenu en urgence de son village natal de Mvezo (sud), des responsables du Congrès national africain (ANC) et des religieux se sont retrouvés dans sa maison de Johannesburg, selon le Sunday Times.

Par groupe de deux ou trois, les plus proches ont pu lui rendre une dernière visite, ajoute City Press. «Ceux qui étaient dans la maison expliquent qu'il y régnait une tristesse infinie», écrit le journal sur son site internet.

Parmi eux, Bantu Holomisa, avait été prévenu par téléphone que la fin approchait. «Je me suis précipité dans sa chambre, et j'ai été triste de constater que sa situation s'était profondément détériorée depuis ma visite précédente», a-t-il confié.

«La famille était très forte, mais l'atmosphère était sombre. Le moment le plus dur fut l'arrivée des militaires qui ont emporté le corps vers minuit», selon un témoin anonyme cité par le Sunday Times.

«Quand ils sont descendus de la chambre avec sa dépuille, suivi par Mandla, on a commencé à réaliser que Madiba était parti», a ajouté cette source.