La mort d'Oussama ben Laden, au-delà du symbole, a porté un coup aux finances du noyau central d'Al-Qaïda qui lutte pour sa survie dans les montagnes pakistano-afghanes, assurent des sources concordantes.

Privé de son chef historique, dont le nom légendaire attirait les contributions de riches familles dans les pays du Golfe, Al Qaïda-Central est aux prises avec de graves problèmes de financement et a revu ses plans à la baisse, ajoutent ces sources.

«Quand Oussama était vivant, Al-Qaïda avait davantage d'argent», explique à l'AFP, sous couvert de l'anonymat, le responsable d'un service de sécurité à Peshawar, la grande ville du nord-ouest du Pakistan.

«Avant même sa mort, nous avions appris que des disputes avaient éclaté entre lui et (son successeur l'égyptien Ayman) Al Zawahiri à propos d'argent. Oussama disposait des fonds et Al Zawahiri était le chef opérationnel».

Désormais à la tête d'Al-Qaïda, Ayman Al Zawahiri n'a ni l'aura, ni l'influence ni les réseaux pour collecter les fonds des contributeurs du Golfe et les finances du mouvement n'ont pas tardé à s'en ressentir.

«Il est égyptien, cela joue un grand rôle», estime Riad Kahwaji, directeur de l'Institute for Near East and Gulf Military Analysis (Institut d'analyse militaire du Proche-Orient et du Golfe/Inegma) à Dubaï.

«Il n'a pas le prestige, la confiance, les connexions. Il doit encore s'imposer en tant que leader. Dans le Golfe, les liens familiaux, tribaux sont fondamentaux. La mort de ben Laden a été une catastrophe pour les finances d'Al-Qaïda».

C'est au moment du djihad antisoviétique en Afghanistan que ben Laden avait commencé à lever des fonds dans les pays du Golfe, y faisant des tournées au cours desquelles il était partout accueilli en héros.

Selon une source talibane pakistanaise interrogée par l'AFP à Karachi, les donateurs du Golfe continuent de financer le djihad antiaméricain dans la région, mais les talibans afghans sont désormais préférés à al-Qaïda en tant que récipiendaires.

Une autre source talibane, interrogée à Peshawar, assure qu'Al-Qaïda «a encore de l'argent, mais il se focalise davantage sur l'Afghanistan. Avant il donnait de l'argent au (Mouvement des talibans du Pakistan) TTP, maintenant il leur donne à peine de quoi survivre».

Des récits de volontaires pour le djihad de retour des zones tribales pakistanaises du Waziristan font état de cellules d'Al-Qaïda peu nombreuses, désorganisées, désorientées, à court d'argent, terrorisées par les missiles tirés par les drones de la CIA.

«Ils ont été sérieusement affaiblis : pas seulement par les problèmes financiers, mais aussi par les attaques de drones, le manque de leadership et un moral en berne», assure, de son bureau new-yorkais, Richard Barrett, coordinateur de l'équipe de surveillance des activités d'Al-Qaïda aux Nations unies.

«Al Qaïda a été tellement discréditée par l'absence de rôle qu'elle a joué dans les changements profonds qui affectent le monde arabe qu'elle n'est plus considérée comme un récipiendaire intéressant par les donateurs», ajoute M. Barrett, ancien chef de la branche antiterroriste du MI6 britannique.

Riad Kahwaji ajoute : «Les gens qui soutenaient Al-Qaïda financièrement s'aperçoivent que, désormais, les mouvements islamiques peuvent envoyer des membres au parlement ou même au gouvernement. Les donateurs n'ont plus besoin de soutenir un groupe renégat vivant à des milliers de kilomètres d'eux pour changer les choses».

Pour Richard Barrett, Al-Qaïda-Central est victime d'une néfaste conjonction de facteurs: «La mort de ben Laden, la pression exercée sur ses chefs survivants, leur manque d'influence et de capacité d'action globale, la pauvreté de leur imagination et de leur inspiration. Tout cela affecte leurs finances et les soutiens dont ils pourraient encore disposer».