À l'issue d'une course serrée - à peine quelque 3 millions de votes séparent Barack Obama de Mitt Romney -, les républicains devraient remercier leur candidat.

Bien sûr, ça n'arrivera pas. Au cours des prochains jours, les ténors du parti chercheront à expliquer leur défaite. La plupart d'entre eux accuseront leur poulain républicain et ses stratèges de n'avoir pas mené une assez bonne campagne.

Pourtant, malgré tous les défauts de Mitt Romney - et il en avait plusieurs -, force est d'admettre qu'il a fait ce qu'il a pu avec le parti qu'il avait. En observant de près la voiture républicaine dont il a pris le volant en début d'année, une conclusion s'impose: c'est un «citron». Le candidat a réussi de façon inespérée et inattendue, dans le dernier sprint de la campagne, à en faire de la limonade!

C'est la performance de Mitt Romney lors du premier débat présidentiel qui a permis aux républicains de ne pas perdre la face.

Or, qu'a-t-il fait ce soir-là? Il a fait un virage à 180°. Il s'est positionné comme le gouverneur modéré du Massachusetts qu'il était jadis. Lors de la course à la direction de son parti, il s'était plutôt positionné comme un candidat «sévèrement conservateur».

Bill Clinton, as de la réplique assassine, a alors suggéré à Mitt Romney de se faire engager comme «contorsionniste en chef» au Cirque du Soleil. Mais le fait est que ce revirement a été aussi spectaculaire que salutaire.

La stratégie du candidat républicain a rassuré les Américains, qui préfèrent un président qui ne gouverne ni trop à gauche ni trop à droite. Elle lui a permis de grimper dans les sondages juste à temps pour éviter une dégelée sur le plan du vote populaire.

Sans compter que si le Parti républicain avait plutôt choisi un des rivaux de Mitt Romney (Rick Santorum, Newt Gingrich, etc.) pour affronter Barack Obama, sous la pression des militants radicaux du Tea Party, il aurait connu un sort encore moins enviable.

Ce sont ces militants influents qui poussent les candidats à se lancer dans une surenchère pour déterminer lequel d'entre eux sera le plus conservateur. Ce qui a poussé Mitt Romney à aller jusqu'à renier l'une de ses plus grandes réalisations: sa réforme du système de santé au Massachusetts.

Ces militants font preuve de la même rigidité idéologique sur le plan fiscal. Pas question de faire grimper les impôts. Même ceux des plus riches, qui ont été réduits au cours des dernières années sous George W. Bush. Mardi, 20% des électeurs ont affirmé avoir voté avant tout pour un candidat qui se souciait de leur bien-être. Parmi ces Américains, 8 sur 10 ont choisi Barack Obama. On comprend pourquoi.

Et que dire des femmes, nombreuses à avoir été choquées par les propos controversés de deux candidats républicains au Sénat, et qui ont du mal à s'identifier au parti et aux idées qu'il véhicule à leur sujet.

Parlant de George W. Bush, c'est justement la dérive des membres plus radicaux du parti qui fait de lui aujourd'hui l'un des républicains les plus toxiques du pays. Notamment celle des néoconservateurs en politique étrangère. Il a été le grand absent de cette campagne. Bill Clinton, parallèlement, a été un allié redoutablement efficace pour Barack Obama.

Enfin, c'est l'intransigeance des républicains radicaux en matière d'immigration qui a forcé Mitt Romney à s'associer à ceux qui souhaitent compliquer la vie aux immigrés illégaux. Pour les pousser sur la voie de «l'auto-expulsion».

Résultat: les hispanophones ont voté à 71 % pour Obama et à 27 % pour Romney. Étant donné leur importance croissante sur le plan démographique aux États-Unis, le fait de se les mettre à dos est une stratégie politiquement suicidaire.

Les militants les plus radicaux du Parti républicain n'ont pas le choix. Ils devront mettre de l'eau dans leur vin. Se recentrer. Faute de quoi ils seront condamnés à s'inspirer des contorsionnistes du Cirque du Soleil.