Des dizaines de milliers de Kurdes ont fui le nord de la Syrie pour la Turquie voisine devant la progression des jihadistes de l'État islamique (EI), l'opposition syrienne mettant en garde samedi contre un «nettoyage ethnique».

À Washington, le président Barack Obama a annoncé qu'il profiterait de l'Assemblée générale de l'ONU la semaine prochaine pour appeler à une plus large coalition internationale contre l'EI, un combat dans lequel «tous les pays, y compris l'Iran» ont un rôle à jouer, selon chef de la diplomatie John Kerry.

Alors que ce groupe extrémiste sunnite est responsable de viols, rapts et décapitations dans les régions sous son contrôle en Syrie et en Irak, 46 Turcs qu'il détenait en Irak depuis le 11 juin ont été libérés au terme, selon le président turc, d'une «opération de sauvetage» des forces spéciales.

Depuis mercredi, les combattants jihadistes ont avancé dans le nord-est de la Syrie prenant le contrôle de 63 villages kurdes dans les environs de Aïn al-Arab (Kobané en kurde), troisième ville kurde du pays située près de la frontière turque, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Face aux affrontements entre jihadistes et combattants kurdes et craignant les terribles exactions de l'EI, quelque 60 000 Kurdes ont fui en Turquie depuis jeudi, a indiqué le vice-premier ministre turc Numan Kurtulmus.

Selon un photographe de l'AFP, des cohortes de milliers de personnes contraintes à la fuite, dont un grand nombre de femmes, d'enfants et de vieillards chargés de sacs et de valises se sont pressés tout au long de la journée de samedi aux alentours du poste-frontière de Mursitpinar (sud de la Turquie).

Les soldats ont ouvert les barbelés séparant les deux pays en plusieurs points pour faciliter le passage de ces réfugiés venant de Kobané, notamment près de la localité turque de Suruc (sud-est).

Ahmet Mer Hadi, 37 ans, a marché «cinq heures» avant d'atteindre la frontière. «Nous avons tout laissé derrière nous. À Kobané, je vendais de l'essence, maintenant je n'ai plus rien».

«L'EI a menacé tout le monde»

«L'EI est venu dans notre village et a menacé tout le monde. Ils l'ont bombardé et ont détruit les maisons. Ils ont décapité ceux qui sont restés», raconte un autre réfugié Mohammed Issa, 43 ans, qui a fui avec sa famille.

Selon le photographe de l'AFP, d'épaisses colonnes de fumée en provenance de Aïn al-Arab étaient visibles depuis la frontière turque.

Selon l'OSDH, les combats font toujours rage entre les combattants kurdes et l'EI près de Kobané et les bombardements des jihadistes touchent des villages situés à 10 km seulement de la ville. Les combats ont fait plus de 50 morts dans les deux camps depuis mardi.

Le chef de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane, a affirmé que «le sort de 800 habitants de villages (pris par l'EI) restait inconnu». Le groupe extrémiste a exécuté au moins 11 civils, a-t-il dit.

Face à la progression jihadiste, quelque 300 combattants kurdes de Turquie sont venus en Syrie prêter main-forte à leurs frères d'armes syriens, a ajouté l'ONG.

L'opposition syrienne en exil a appelé la communauté internationale, «à agir d'urgence pour prévenir un nettoyage ethnique» dans cette ville.

L'EI a été accusé de nettoyage ethnique et de crimes contre l'Humanité par l'ONU dans le nord de l'Irak, après y avoir pris plusieurs localités poussant à la fuite des centaines de milliers d'Irakiens, principalement des membres de minorités.

46 Turcs libérés

Dans sa stratégie antijihadistes annoncée le 10 septembre, M. Obama, dont le pays mène des frappes contre les positions de l'EI en Irak depuis le 8 août, a affirmé qu'il était prêt à faire de même en Syrie, mais aucune action militaire n'a encore été entreprise dans ce pays.

Le président américain, qui a exclu des troupes au sol en Irak comme en Syrie, a aussi obtenu l'accord du Congrès pour entraîner et mieux équiper les rebelles modérés syriens pour qu'ils puissent faire face à l'EI.

Il a estimé que plus de 40 pays avaient proposé de participer à la coalition initiée par son pays pour «détruire» le groupe jihadiste qui a aussi décapité deux journalistes américains et un humanitaire britannique.

La femme d'un chauffeur de taxi britannique pris en otage par les jihadistes a samedi imploré ses ravisseurs de le relâcher, assurant qu'elle ne voyait pas comment sa mort pourrait servir une quelconque cause. Alan Henning, un Britannique qui s'était porté volontaire pour conduire un convoi d'aide humanitaire pour le compte d'une ONG musulmane, a été enlevé il y a 10 mois par l'organisation EI. Celle-ci l'a menacé de mort dans une vidéo diffusée la semaine dernière.

Après avoir été enlevés à Mossoul (nord) aux premiers jours de l'offensive de l'EI en Irak, 46 Turcs ont été libérés et sont arrivés en Turquie, sains et saufs, selon les autorités. Parmi les otages figuraient le consul général et son épouse, des diplomates et leurs enfants, ainsi que des membres de forces spéciales.

La Turquie, voisine de l'Irak, avait refusé de participer militairement à la coalition antijihadistes, arguant de sa volonté de protéger la vie de ses otages.