Les djihadistes de l'État islamique ont revendiqué mardi l'exécution par décapitation d'un second journaliste américain, Steven Sotloff, dans une vidéo qui a provoqué «l'écoeurement» des Occidentaux.

Dans cette vidéo intitulée «deuxième message à l'Amérique», on peut voir Steven Sotloff, à genoux, vêtu d'une blouse orange. Debout à côté de lui, un homme masqué, vêtu de noir et armé d'un couteau condamne l'intervention des États-Unis en Irak et porte son arme à la gorge du journaliste de 31 ans.

Le bourreau, qui s'exprime avec un accent britannique, présente ensuite à la camera un autre otage, un Britannique identifié comme David Cawthorne Haines, et menace de l'exécuter.

«Je suis de retour, Obama, et je suis de retour à cause de ton arrogante politique étrangère envers l'État islamique», déclaré l'homme masqué dans cette vidéo de cinq minutes.

Cette mise en scène est en tout point semblable à celle de la vidéo diffusée le 19 août --premier message à l'Amérique-- où un insurgé à l'accent britannique décapitait le journaliste américain James Foley, âgé de 40 ans. L'homme avait ensuite indiqué que Sotloff --également montré dans cette première vidéo-- serait le prochain, si les frappes aériennes n'étaient pas interrompues.

Sotloff, porté disparu depuis douze mois, aurait été kidnappé le 4 août 2013 à Alep, en Syrie, près de la frontière avec la Turquie, mais son enlèvement avait été tenu secret.

Sa famille, par l'intermédiaire d'un porte-parole, a fait savoir mardi qu'elle était «au courant de cette horrible tragédie et qu'(elle) pleure sa mort dans l'intimité». «Il n'y aura aucun commentaire en public de la famille pendant cette période difficile», a-t-il précisé.

Shirley Sotloff, la mère du journaliste, s'était adressée directement dans une vidéo diffusée le 27 août au chef de l'EI, Abou Bakr al-Baghdadi, pour le supplier de libérer son fils.

«Vous, le calife, pouvez accorder l'amnistie. Je vous demande s'il vous plaît de libérer mon enfant», implorait Mme Sotloff. «En tant que mère, je demande à votre justice d'être miséricordieuse et de ne pas punir mon fils pour des choses sur lesquelles il n'a aucun contrôle», déclarait-elle.

La Maison Blanche a précisé qu'elle devait encore confirmer l'authenticité de la vidéo diffusée mardi. «Si (elle est) avérée, nous sommes consternés par le meurtre brutal d'un journaliste américain innocent et nous présentons à sa famille et à ses amis nos plus sincères condoléances», a indiqué Bernadette Meehan porte-parole adjointe du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche.

«Dégoûtant, révulsant, dégueulasse»

Si la «vidéo est authentique, nous en serions écoeurés», a ajouté son homologue du département d'État, Jennifer Psaki.

Le premier ministre britannique David Cameron a qualifié cette seconde vidéo, repérée par le centre américain de surveillance des sites islamistes SITE, d'«absolument écoeurante et ignoble», dans une brève déclaration mardi soir. Il a prévu de s'exprimer plus longuement plus tard.

Le président français François Hollande a condamné «avec horreur, si elle était confirmée, l'exécution abominable d'un Américain». «Cet acte barbare (...) révèle la nature ignoble» de l'État islamique, a-t-il ajouté.

Le secrétaire général de l'organisation Reporters sans frontières Christophe Deloire a déclaré à l'AFP: «C'est dégoûtant, révulsant, dégueulasse» qu'«il se trouve un groupe comme l'État islamique pour décapiter» les journalistes qui sont «déjà de plus en plus menacés (et) de plus en plus visés sciemment par des belligérants dans les conflits, qui sont pris en otage».

La plus puissante organisation de défense des droits musulmans ux États-Unis, le Council on American-Islamic relations (CAIR), a également condamné l'exécution de Steven Sotloff.

«Aucun mot ne peut décrire l'horreur, le dégoût et le chagrin ressentis par les musulmans aux États-Unis et dans le monde après cet acte de violence inconcevable et non-islamique perpétré par le groupe terroriste EI», a relevé le CAIR dans un communiqué. «Les actions criminelles de l'EI sont contraires à la foi de l'Islam».

La publication il y a deux semaines de la vidéo de l'exécution de James Foley avait fait l'effet d'un électrochoc aux États-Unis où de nombreuses voix avaient appelé le président Barack Obama à étendre les frappes aériennes sur le territoire syrien, où l'État islamique a mis sous sa coupe de vastes pans de territoires.

Mais le président américain s'est mis dans l'embarras la semaine dernière en déclarant: «Nous n'avons pas encore de stratégie», alors que les commentateurs attendaient plutôt l'annonce d'imminentes attaques en Syrie, comme c'est le cas depuis le 8 août en Irak.

Le sénateur républicain Lindsey Graham a estimé mardi que «condamner n'est pas suffisant». «Monsieur le président, si vous n'êtes pas en mesure de déterminer une stratégie, au moins dites nous quel est l'objectif en ce qui concerne l'EI».

Le Congrès attend une réaction d'Obama

Des parlementaires américains ont réclamé mardi au président Barack Obama la mise en place urgente d'un plan pour vaincre l'État islamique (EI) en Syrie et en Irak, après la décapitation présumée d'un second journaliste américain, Steven Sotloff.

Le secrétaire d'État John Kerry sera ainsi convoqué prochainement à la Chambre des représentants pour une audition, a annoncé mardi le président de la commission des Affaires étrangères, Ed Royce.

«Tout le monde estime que l'administration a besoin d'une stratégie, que le président doit expliquer aux Américains et au Congrès comment nous allons lutter contre cette menace», a-t-il déclaré par téléphone à des journalistes.

«Le leadership américain est essentiel. Ça ne veut pas dire l'envoi de soldats sur le terrain, mais des frappes aériennes et par drones, et beaucoup de diplomatie, ce qui continue à manquer», a dit le républicain.

«Nous ne pouvons pas tergiverser», a ajouté le démocrate Eliot Engel. «Nous devons agir, et nous devons agir vite.»

Barack Obama est critiqué à la fois par des membres de son camp démocrate et par des républicains pour avoir dit la semaine dernière que les États-Unis n'avaient «pas encore de stratégie» contre l'EI.

La démocrate Dianne Feinstein, présidente de la commission du Renseignement au Sénat, a ainsi estimé dimanche que Barack Obama était «peut-être trop prudent» face à la menace posée par l'EI, une opinion partagée par nombre de ses collègues à Washington, qu'ils soient interventionnistes ou pas.

«La question-clé est: allons-nous endiguer l'EI, ou écraser l'EI?», a lancé le représentant républicain Adam Kinzinger mardi sur Twitter.