La Russie et les États-Unis ont accentué la pression mercredi sur leurs alliés dans la guerre en Syrie en vue de faire respecter un cessez-le-feu censé entrer en vigueur samedi mais qui est loin d'être acquis tant la situation est complexe sur le terrain.

Ce cessez-le-feu exclut les puissants groupes djihadistes État islamique (EI) et Front Al-Nosra (branche syrienne d'Al-Qaïda), qui contrôlent de larges pans du territoire et sont visés par les offensives de l'armée syrienne soutenues par les raids russes ainsi que par des frappes de la coalition internationale dirigée par les États-Unis.

Dans ce conflit dévastateur qui a fait plus de 270 000 morts et déplacé plus de la moitié de la population en près de cinq ans, la Russie et l'Iran soutiennent le régime de Bachar al-Assad alors que les États-Unis, l'Arabie saoudite et la Turquie appuient les rebelles.

Mais les rebelles sont très affaiblis face à la montée en puissance des groupes djihadistes alors que le régime, lui, a repris du terrain grâce à l'aide de la Russie.

Moscou a annoncé mercredi que M. Assad avait confirmé au président russe Vladimir Poutine être «prêt à contribuer à la mise en oeuvre du cessez-le-feu», prévu pour vendredi, qu'il a qualifié comme «un pas important vers un règlement politique du conflit».

L'armée russe a par ailleurs assuré avoir commencé à discuter du cessez-le-feu avec des groupes rebelles de cinq régions syriennes (Hama, Homs, Lattaquié, Damas et Deraa), sans les identifier.

Des responsables américains et russes vont se réunir dans les prochains jours pour créer un groupe chargé de veiller au respect du cessez-le-feu, a annoncé mercredi le secrétaire d'État américain.

Largage d'aide humanitaire 

M. Poutine, qui avait parlé la veille à son homologue américain Barack Obama, s'est entretenu aussi avec le roi Salmane d'Arabie saoudite et avec le président iranien Hassan Rohani.

Selon le Kremlin, le roi saoudien «a salué» l'accord de cessez-le-feu.

L'Iran a aussi dit soutenir l'accord.

Le régime, tout en disant oui à la trêve, avait affirmé mardi qu'il poursuivrait ses «opérations militaires pour lutter contre Daech (acronyme en arabe de l'EI), Al-Nosra et les autres groupes terroristes qui leur sont liés».

Les rebelles craignent que Damas ne profite de cette exclusion pour frapper les régions où ils sont alliés avec Al-Nosra, comme Idleb (nord-ouest) ou Alep (nord).

Un général syrien a affirmé mercredi que l'emblématique ville rebelle de Daraya, près de Damas, ne serait pas concernée par le cessez-le-feu même si les djihadistes d'Al-Nosra y sont minoritaires.

Intervenue dans le conflit il y a une dizaine de jours en bombardant un important groupe armé kurde syrien près de sa frontière, la Turquie a elle estimé que cette milice «terroriste» devrait être exclue de l'accord de cessez-le-feu et a émis des doutes sur la viabilité de la trêve.

Le cessez-le-feu a été accepté par l'opposition qui a affirmé mercredi son engagement en faveur d'une «trêve provisoire de deux semaines» qui offrirait selon elle l'occasion de tester le sérieux du régime.

Mercredi, l'ONU a largué pour la première fois de l'aide humanitaire par voie aérienne en Syrie, à Deir Ezzor (est), où quelque 200 000 habitants subissent un siège de l'EI. Selon le patron des opérations humanitaires des Nations unies, 21 tonnes de provisions ont été livrées avec succès.

Plan B?

Pour des analystes, au-delà des difficultés d'application de la trêve, ce qui ressort est la coordination «plus étroite» entre Russes et Américains.

La proposition de trêve, dont les modalités ont été définies par Moscou et Washington, intervient environ trois semaines après l'échec de négociations de paix à Genève et qu'une trêve censée entrer en vigueur vendredi dernier a été ignorée.

«Nous sommes très prudents pour ne pas créer des attentes trop fortes», a déclaré mercredi M. Obama. «La situation sur le terrain est difficile mais nous avons constaté de modestes progrès au cours de la semaine écoulée en ce qui concerne l'accès humanitaire aux populations menacées».

Le secrétaire d'État américain John Kerry avait admis mardi qu'un éventuel «plan B» pour la Syrie était examiné en cas d'échec du processus diplomatique.

«Nous allons savoir dans un mois ou deux si ce processus de transition est vraiment sérieux», a relaté M. Kerry. «Si ce n'est pas le cas (...) des options d'un plan B sont évidemment examinées».

Des informations sur cet hypothétique «plan B», qui mettrait davantage l'accent sur l'option militaire, ont circulé début février dans les cercles diplomatiques et la presse.

«Nous partons du principe qu'il y a eu tellement d'efforts consentis pour arriver à ce communiqué conjoint (avec les États-Unis), qu'il est nécessaire de le mettre en oeuvre dès maintenant et de ne pas travailler sur des plans B», a déclaré la porte-parole de la diplomatie russe.