Le Conseil de sécurité de l'ONU a soutenu unanimement pour la première fois un plan de paix détaillé sur la Syrie basé sur une transition politique censée mettre fin à une guerre qui a fait 240 000 morts.

Ce vote a été accueilli avec méfiance tant par le régime, qui insiste sur la lutte contre le «terrorisme», c'est-à-dire à ses yeux les insurgés, que par la coalition de l'opposition qui veut d'abord le départ du président syrien Bachar al-Assad.

Et même si les États-Unis et la Russie se sont entendus sur le texte, cette décrispation après l'échec de plusieurs initiatives ne reflète pas une convergence sur le fond, notamment sur le sort d'Assad, préviennent des experts.

D'après eux, l'accord a été favorisé par l'épuisement des belligérants sur le terrain, l'urgence de faire face à la menace du groupe État islamique et la détente irano-américaine après l'accord sur le nucléaire.

L'appui au plan intervient au lendemain de raids du régime qui ont fait une centaine de morts près de la capitale. Ils ont été qualifiés d'«inacceptables» par l'émissaire de l'ONU Staffan de Mistura, accusé mardi de «partialité» par Damas.

Le Conseil de sécurité appuie le lancement d'un processus visant à «l'établissement d'un corps dirigeant de transition inclusif avec les pleins pouvoirs», sans mention du sort de M. Assad.

Cet organisme «devrait être formé sur la base d'un consentement mutuel tout en assurant la continuité (du fonctionnement) des institutions gouvernementales».

L'initiative de M. de Mistura, qui doit démarrer en septembre, devrait permettre la mise en place de quatre groupes de travail sur la sécurité et la protection, le contre-terrorisme, les questions politiques et légales ainsi que la reconstruction.

Ébauche de rapprochement

Haytham Manna, un opposant ayant participé activement aux consultations menées par M. de Mistura, a affirmé à l'AFP que la sélection «des personnes qualifiées (des deux bords) pour former les quatre commissions a déjà commencé».

Le plan est basé sur les principes du communiqué dit de Genève 1, un document signé par les grandes puissances le 30 juin 2012 comme plan de règlement politique du conflit. Mais il est resté lettre morte, même si à deux reprises le Conseil de sécurité en a fait mention.

Pour Karim Emile Bitar, chercheur auprès de l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), la nouvelle initiative n'est qu'un début et «rien ne garantit qu'elle aura plus de succès que les précédentes».

«Il y a une unanimité sans précédent (...) une ébauche de rapprochement, un état d'esprit qui commence à changer», affirme-t-il à l'AFP. «Mais à ce stade, aucune des deux parties n'est prête à faire des concessions qui permettraient vraiment de concrétiser ce rapprochement sur le terrain».

Jusqu'à présent, tous les plans proposés par l'ONU ou les grandes puissances ont échoué. Les pourparlers de Genève 2 en 2014 avaient buté notamment sur le sort du président syrien et tourné à un dialogue de sourds entre régime et opposition.

Mais les grandes puissances se sont depuis rendu compte de la fatigue du régime et des rebelles, une situation qui profite aux jihadistes, notamment de l'EI, principale menace aux yeux de la communauté internationale. «Il y une prise de conscience commune que personne ne pourra reprendre le dessus», explique M. Bitar.

Pour l'expert Andreï Baklitski du PIR-Center à Moscou, «la déclaration n'a rien de révolutionnaire, mais pour la première fois depuis deux ans le Conseil de Sécurité a  trouvé un consensus sur la Syrie. C'est un texte assez évasif et sa mise en pratique n'est pas évidente».

La question Assad

En fait les positions des protagonistes restent inchangées. «La lutte contre le terrorisme est primordiale et il ne sert à rien avant de parler d'autre chose», affirme à l'AFP Bassam Abou Abdallah, professeur à l'université de Damas et proche du régime.

Du côté de la Coalition de l'opposition, il y a de la «suspicion», reconnait l'un de ses dirigeants, Samir Nachar. «Nous sommes ouverts au processus politique, mais nous n'accepterons pas Assad dans la période de transition», a-t-il dit à l'AFP.

«Le fond le problème reste intact», résume M. Bitar. «C'est surtout le sort personnel d'Assad qui continue d'être un obstacle» depuis le début de la guerre en 2011.

Pour M. Manna, cette question «se posera durant le processus ou à la fin, car si on le pose au début on va à l'échec total».

Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a d'ailleurs déclaré lundi qu'il était «inacceptable» de faire du départ du président syrien un préalable.