Le groupe djihadiste État islamique (EI) a de nouveau frappé mardi au Yémen, tuant 28 personnes, dont huit femmes dans un attentat à la voiture piégée contre des membres de la communauté chiite qu'il considère comme mécréante.

Parallèlement, quelque 1200 détenus, dont des condamnés à mort, ont été libérés dans le sud-ouest du Yémen par les rebelles chiites Houthis, alors qu'ils s'apprêtaient à perdre le contrôle d'une prison au profit des forces progouvernementales, selon des responsables loyalistes.

L'attentat revendiqué par l'EI a ciblé avant l'aube dans la capitale Sanaa la résidence de membres de la rébellion chiite, au moment où de nombreuses personnes étaient réunies pour une cérémonie de deuil après la mort naturelle d'un proche.

Au moins 28 personnes, dont huit femmes, ont été tuées et 35 blessées dans l'explosion, selon une source médicale. Plusieurs véhicules ont été endommagés, ainsi que des habitations.

Le Yémen est ravagé par une guerre opposant des forces loyales au président Abd Rabbo Mansour Hadi aux rebelles Houthis, qui se sont emparés depuis 2014 de vastes régions. Une coalition arabe menée par l'Arabie saoudite mène depuis fin mars des frappes contre ces insurgés pour les empêcher de prendre le contrôle de tout le pays.

L'EI a indiqué dans un communiqué que l'attaque était dirigée contre «l'un des nids des chiites à Sanaa», qui se trouve aux mains des rebelles.

«Supplanter Aqpa»?

L'organisation extrémiste sunnite a multiplié récemment les attaques dans plusieurs pays de la péninsule arabique contre la communauté chiite.

Vendredi, un attentat suicide a fait 26 morts et 227 blessés dans une mosquée chiite du Koweït, le premier dans ce pays à être revendiqué par l'EI.

Ce groupe a également endossé la responsabilité de deux attentats contre des mosquées chiites dans l'est de l'Arabie saoudite, les 22 et 29 mai, qui avaient fait respectivement 21 et 4 morts.

L'EI, qui sème la terreur dans plusieurs pays arabes, surtout en Irak et en Syrie, avait signé le 21 mars ses premiers attentats au Yémen, qui avaient touché plusieurs mosquées chiites. Bilan: 142 morts, l'un des plus lourds enregistrés dans le pays.

L'EI est «en passe de supplanter Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), qui devient une force parmi d'autres du camp sunnite et tribal du sud du Yémen», note Mathieu Guidère, expert du monde arabe.

«Déstabiliser le royaume saoudien»

Pour Jean-Pierre Filiu, spécialiste du djihadisme, l'EI a pour «objectif stratégique de s'étendre vers la péninsule arabique et d'y déstabiliser le royaume saoudien», voisin du Yémen.

Outre les raids aériens de la coalition arabe, les rebelles sont contrés sur le terrain par une coalition de combattants réunis au sein de Comités de résistance populaire.

Alors qu'ils s'apprêtaient mardi à perdre le contrôle de la prison de Taëz (sud-ouest), les Houthis ont libéré quelque 1200 détenus, selon des responsables loyalistes.

«Nos combattants sont aussitôt partis à la recherche des prisonniers évadés parmi lesquels des criminels et des condamnés à mort», a déclaré un responsable de «la résistance populaire», sans préciser si des détenus d'Al-Qaïda figuraient parmi eux.

À Aden, grande ville portuaire du sud, les combats ont fait 13 morts, dont une femme enceinte et deux enfants, et 216 blessés durant les dernières 48 heures, selon des sources médicales.

Un incendie continuait dans le même temps de ravager des dépôts de carburant dans la raffinerie d'Aden, touchée samedi par des tirs rebelles.

Un autre responsable local a accusé les Houthis d'avoir tiré lundi au large d'Aden sur un bateau du Qatar transportant une aide humanitaire, l'obligeant à se dérouter vers la province du Hadramout, plus à l'est.

Près de Dhaleh (sud), 13 rebelles ont été tués en 24 heures dans des affrontements avec les combattants progouvernementaux, selon les autorités locales.

Par ailleurs, les rebelles chiites ont affirmé avoir tiré mardi un missile Scud sur une base militaire saoudienne à 700 km au sud de Riyad, mais l'Arabie saoudite a démenti.

La coalition a en revanche annoncé la mort lundi d'un soldat saoudien par des tirs de Houthis à la frontière où deux civils ont été blessés mardi par la chute sur leur maison d'un projectile en provenance du Yémen, selon la défense civile saoudienne. Au moins 45 personnes, des militaires et des civils, ont péri depuis fin mars à la suite de tels tirs à la frontière.

Au plan diplomatique, l'émissaire de l'ONU pour le Yémen, Ismaïl Ould Cheikh Ahmed, a réclamé de nouveau une trêve humanitaire, lors d'un entretien mardi à Riyad avec le président Abd Rabbo Mansour Hadi, selon un responsable gouvernemental.