Un ancien otage du groupe armé État islamique a témoigné dimanche des techniques de torture psychologique auxquelles il a été soumis par ses bourreaux pendant sa captivité, qui a duré six mois.

Le journaliste espagnol Javier Espinosa a relaté les simulations d'exécutions que lui faisait subir le militant d'origine britannique Mohammed Emwazi, connu sous le pseudonyme «Jihadi John». Cet homme d'origine britannique apparaît sur plusieurs vidéos diffusées par le groupe extrémiste.

M. Espinosa, qui travaillait pour le quotidien espagnol El Mundo lorsqu'il a été kidnappé en septembre 2013, a décrit M. Emwazi comme un «psychopathe sanguinaire» qui s'amusait à menacer ses otages. M. Espinosa a été incarcéré dans une villa au nord d'Alep, avec 22 Européens, Américains, et une Latino-Américaine.

Il a affirmé que le militant Emwazi avait «caressé» son cou avec un long couteau, alors qu'il lui racontait en détail comment il pourrait l'exécuter et ce qu'il ferait avec son corps.

Selon le journaliste, M. Emwazi répétait chaque jour à sa vingtaine d'otages qu'ils seraient décapités. Il a aussi simulé des exécutions à l'aide d'une épée et d'un pistolet.

« Guantanamo » en Syrie

D'après lui, l'EI a rassemblé les otages, travailleurs humanitaires ou journalistes, dans une seule prison qui devait être le pendant de celle de Guantanamo, base américaine à Cuba où ont été internés des combattants capturés en Afghanistan.

L'auteur cite le journaliste américain James Foley, son codétenu enlevé en novembre 2012 et exécuté en août 2014. « Ils avaient ce projet depuis longtemps, selon Foley. Le cheikh irakien (chef des gardiens) nous a expliqué dès le départ qu'ils voulaient interner des Occidentaux dans une prison de haute sécurité, avec des caméras, de nombreux gardiens... Il nous a dit que nous allions y passer longtemps parce que nous étions les premiers qu'ils capturaient ».

Javier Espinosa a été relâché en mars 2014 après 194 jours de captivité. La plupart des otages qui étaient avec lui ont été libérés, mais sept ont perdu la vie.

Un autre journaliste espagnol a témoigné de son expérience au quotidien Periodico de Catalunya. Marc Marginedas a expliqué qu'il avait assuré à ses bourreaux qu'il n'était pas un espion et qu'il était déjà entré en Syrie deux fois sans problème.

«Tu es entré deux fois en Syrie et ça a bien fonctionné pour toi, mais maintenant on va te tuer. N'essaie pas d'être amical. Je ne t'aime pas. Ceux que j'aime, ce sont mes frères qui sont venus ici pour se battre», aurait dit l'un de ceux-ci au journaliste.

« Vous finirez peut-être comme lui !»

Le journaliste Javier Espinosa dit avoir gardé le silence depuis sa libération jusqu'à aujourd'hui --en même temps que son collègue photographe Ricardo Garcia Vilanova, et le journaliste du Periodico de Cataluna, Marc Marginedas, qui entame dimanche un récit parallèle-- parce que ses gardiens menaçaient d'exécuter d'autres otages s'il parlait « avant que tout soit achevé ».

Des 23 otages, quinze ont été libérés, six exécutés, et une, l'Américaine Kayla Mueller, est morte en février dernier, dans un bombardement de l'aviation américaine, selon l'État islamique (EI). Le sort du photographe de presse britannique John Cantlie, détenu avec eux, reste incertain. L'EI a diffusé récemment une vidéo où il était en vie.

Espinosa raconte des simulacres d'exécution de la part de trois gardiens encagoulés, surnommés les Beatles par les otages, et qu'il traite de psychopathes. Ils les ont notamment obligés à regarder les photos de l'exécution d'un otage russe, l'ingénieur Serguei Nicolayevitch Gorbounov, enlevé en octobre 2013 et assassiné en mars 2014, selon Espinosa.

« Le cheikh lui a tiré une balle explosive dans la tête », s'est vanté un des gardiens. « Vous finirez peut-être comme lui ! Ou bien nous vous obligerons à le déterrer et à creuser une nouvelle tombe pour vous envoyer dormir avec lui ».

La Russie avait annoncé en octobre 2013 enquêter sur la disparition de Gorbounov, qui dans une vidéo diffusée sur YouTube, déclarait: « si on ne m'échange pas d'ici à cinq jours, ils me tueront ».

- Avec l'AP