Le président turc Recep Tayyip Erdogan a officialisé vendredi le revirement de son pays dans la lutte contre les djihadistes du groupe État islamique (EI) et ouvert la porte à une très prochaine participation à la coalition militaire réunie par les États-Unis.

Dès son retour de l'assemblée générale de l'ONU, M. Erdogan a confirmé devant la presse le virage de la Turquie amorcé après la libération, le 20 septembre, des 46 ressortissants turcs retenus en otage par l'EI depuis le mois de juin.

«Notre position a maintenant changé. Le processus qui va suivre sera totalement différent», a-t-il déclaré à la presse à son arrivée à Istanbul.

«Comme vous le savez, un projet de mandat va être déposé au Parlement. Il sera discuté le 2 octobre et j'espère que les mesures nécessaires pourront être prises dès qu'il sera voté. Ce mandat autorise l'intervention des forces armées», a rappelé le chef de l'État.

Le pouvoir islamoconservateur turc avait jusque-là refusé d'intégrer la coalition militaire réunie par les États-Unis pour lutter contre l'EI, qui a commencé cette semaine à bombarder des cibles djihadistes à l'intérieur du territoire syrien.

Ankara avait notamment exclu d'ouvrir sa base aérienne d'Incirlik (sud) et son espace aérien aux avions à destination de la Syrie.

Soupçonné d'avoir longtemps armé les mouvements les plus radicaux, dont l'EI, en guerre contre le régime du président syrien Bachar al-Assad, le gouvernement turc a notamment justifié son abstention par la nécessité de protéger la vie de 46 de ses ressortissants enlevés en juin dernier par les djihadistes à Mossoul (Irak).

Ces otages ont été libérés il y a six jours après des négociations qui, selon des informations de la presse turque que les autorités d'Ankara n'ont pas démenties, ont abouti à l'élargissement d'une cinquantaine de militants djihadistes détenus en Turquie.

Dès mardi, M. Erdogan avait amorcé ce changement de pied en se réjouissant des premières frappes aériennes de la coalition en Syrie et avait assuré que son pays était prêt à «toute forme de soutien, y compris militaire et politique».

Combats autour d'Aïn al-Arab

Alors qu'il s'était longtemps gardé de le faire, le chef de l'État a une nouvelle fois clairement rangé EI dans la catégorie des «organisations terroristes» et dénoncé les exactions qui lui sont attribuées comme «contraires à l'islam».

«Notre religion est une religion de paix, de fraternité et d'unité. Elle n'autorise pas le meurtre de personnes innocentes», a-t-il souligné, «cela (ces exactions) est attribué à l'islam et jette malheureusement une ombre sur notre religion».

«Nous ne pouvons pas nous permettre le luxe de dire que des actions terroristes menées le long de notre frontière de 1250 km avec la Syrie et l'Irak ne nous concernent pas», a-t-il ajouté en référence à l'avancée des forces de l'EI près de la ville syrienne d'Aïn al-Arab, à une poignée de kilomètres de la frontière turque.

Les combattants djihadistes se sont rapprochés vendredi de cette ville (Kobané en langue kurde). Selon un photographe de l'AFP, des bruits de tirs de mortier et d'armes légères ont été entendus tout au long de la journée côté turc.

L'état-major de l'armée turque a indiqué dans un communiqué qu'un obus de mortier tiré de la zone où se déroulent ces combats a atteint vendredi une partie inhabitée du territoire turc, sans faire de dégâts ni de victimes.

Des centaines de Kurdes turcs et syriens ont abattu vendredi la barrière qui sépare les deux pays près de Mursitpinar (sud) avec l'intention d'y rejoindre les forces kurdes qui combattent les djihadistes autour d'Aïn al-Arab, selon un photographe de l'AFP.

Les forces de sécurité turques, qui s'étaient jusque-là opposées par la force à l'entrée de Kurdes non syriens sur le territoire syrien, ne sont cette fois pas intervenues.

Depuis une semaine, les combats pour le contrôle de la région ont provoqué un exode de masse de ses populations à majorité kurde vers la Turquie.

Le premier ministre Ahmet Davutoglu a indiqué vendredi que leur nombre avait franchi la barre des 160 000.