Les Français à nouveau ne parlent plus que de ça: un mois et demi après avoir sombré dans la sidération après l'arrestation de Dominique Strauss-Kahn, ils oscillent entre stupéfaction, doutes, questionnement et examen de conscience après sa libération sur parole.

Ils avaient en tête les photos de l'ancien patron français du FMI menotté et mal rasé. Ils l'ont découvert libre, visage radieux et cravate bleu.

«Je vais de sidération en sidération. Seul un scénariste d'Hollywood aurait pu imaginer un tel scénario», a réagi le centriste François Bayrou.

Le 15 mai, les Français avaient reçu un véritable coup sur la tête en apprenant au réveil que le favori des sondages pour la présidentielle de 2012 venait d'être arrêté à New York, accusé d'agression sexuelle par une femme de chambre dans un hôtel.

Aujourd'hui, «nouveau séisme» politico-médiatique, estiment les éditorialistes alors que depuis vendredi est envisagée la possibilité d'un abandon des accusations suite à des révélations décrédibilisant la plaignante et qu'un retour en politique n'est plus exclu.

«Cela va complètement dans l'autre sens. L'idée d'aller vers un non-lieu paraît incroyable», commente Sabine de Marigny, styliste de 44 ans.

Terriblement choqués à l'époque d'avoir vu la justice américaine laisser les caméras entrer en salle d'audience filmer le destin de l'homme brisé, les Français semblent tout aussi surpris de la voir capable de faire marche arrière.

«Ce qui est étonnant, c'est l'honnêteté du procureur Cyrus Vance qui au début était agressif et aujourd'hui reconnaît qu'il a des doutes», explique François Decodts, chômeur de 36 ans.

La théorie du complot, à laquelle près de 60% des Français adhéraient dans les jours qui ont suivi l'arrestation de DSK, revient à nouveau dans les conversations en public ou en privé. «Crapuleux ou politique ?» se demande-t-on.

«Je n'étais pas parmi les complotistes mais là, je ne sais plus. Ca ne m'arrive pas souvent mais là, je l'avoue, je ne sais plus», a reconnu François Bayrou.

Du coup, est arrivé le temps de l'examen de conscience, après l'étalage des secrets de la vie sexuelle de l'ancien patron du FMI et l'«emballement» médiatique.

«Dominique Strauss-Kahn n'est pas encore blanchi que s'ouvrent (...) de nombreux procès en pointant du doigt les multiples coupables. Coupable, d'abord, la justice américaine, parce que brutale dans son fonctionnement qui sacralise la parole des victimes. Coupable, le système médiatique qui, chez nous comme aux Etats-Unis, a déversé en boucle les images humiliantes de DSK. Coupable enfin, l'opinion qui, tout en dénonçant le lynchage médiatique, s'est repue du "feuilleton"», écrit le quotidien régional La République du Centre.

Et déjà la question est posée: s'il est blanchi, Dominique Strauss-Kahn se présentera-t-il à la primaire que viennent de lancer les socialistes pour désigner leur candidat à la présidentielle de 2012? «S'il se présentait, tu voterais pour lui?» se demande-t-on entre amis ou en famille.

Mais pour une grande partie de la presse, l'homme est hors jeu. «Cette affaire lui a forgé une image de richissime bourgeois machiste, qui ne peut que le couper d'une partie de l'électorat populaire de la gauche et ne lui permet plus de mordre dans l'électorat centriste et féminin», analyse le quotidien régional L'Alsace.

Ingrid Perez, assistante immobilière de 25 ans, se dit ainsi certaine qu'il a «réussi à être libéré car il a de l'influence et de l'argent» - faisant au passage une confusion entre son train de vie et la fortune de son épouse Anne Sinclair, qui a dépensé des sommes folles pour régler la caution et payer le dispositif de l'assignation à résidence.

Au travers de cette histoire aura au moins été ouvert le débat sur le machisme politique en France, notent certains. Dans la foulée, un ministre a été accusé de viols, entraînant sa démission et son inculpation. «Cette affaire a délié les langues des femmes, j'espère que ce ne sera pas un feu de paille», dit Marguerite, directrice de marketing de 37 ans.