Après un week-end calme et alors qu'une activité quasi-normale a repris lundi à Tunis, de nouveaux troubles ont éclaté à Kasserine, ville frondeuse du centre-ouest, où la sous-préfecture a été pillée et saccagée par des centaines de jeunes sans revendications affichées.

Selon des sources syndicales contactées par l'AFP à Kasserine et l'agence officielle TAP, la sous-préfecture, mais aussi un lycée, un local associatif et un cabinet de médecin ont été attaqués, sans que les forces de l'ordre n'interviennent.

Kasserine, un des bastions de la révolution tunisienne, avait connu des affrontements violents entre la police et des manifestants lors des émeutes qui ont conduit à la chute du régime Ben Ali. Au moins 21 personnes ont été tuées début janvier à Kasserine et dans la localité voisine de Thala, selon l'ONG Human Rights Watch.

«Plusieurs centaines de personnes se sont attaquées à la sous-préfecture et la maison du sous-préfet ce matin» (lundi), a déclaré à l'AFP Choukri Hayouni, un syndicaliste joint à Kasserine.

«Ils ont tout pris, des meubles, des ordinateurs, des montants de fenêtres, de la vaisselle. J'en ai même vu avec des petites cuillers», a affirmé un autre syndicaliste, Sadok Mahmoudi.

L'agence officielle TAP a confirmé que «le gouvernorat de Kasserine avait été ces dernières heures le théâtre de troubles». «Des malfaiteurs ont attaqué des institutions et terrorisé les habitants», a précisé la TAP, citant notamment la sous-préfecture.

Les deux syndicalistes de la puissante UGTT (Union générale des travailleurs tunisiens) ont affirmé que les pillards étaient «encadrés par des gens du RCD», le Rassemblement constitutionnel démocratique, l'ancien parti au pouvoir du prédisent déchu Zine El Abidine Ben Ali.

Selon Choukri Hayouni, quatre jeunes arrêtés par des habitants de Kasserine alors qu'ils pillaient le cabinet d'un médecin ont «avoué avoir été payés par des gens du RCD pour semer des troubles».

«Il n'y a eu aucune activité aujourd'hui à Kasserine. Tout était fermé, écoles, administrations, commerces...», a poursuivi Choukri Hayouni, précisant qu'un «tract appelant à la grève générale lundi» avait circulé dans la ville la veille.

«Cet appel n'était pas signé. il ne s'agit en aucun cas d'un appel de l'UGTT», a précisé Sadok Mahmoudi.

Ni la TAP ni le gouvernement n'ont confirmé l'implication de membres du RCD dans ces violences.

Mais ces derniers jours, plusieurs sources syndicales et proches du gouvernement ont dénoncé des «tentatives de déstabilisation» des autorités de transition mises en place depuis le départ de Ben Ali le 14 janvier.

Un policier de Tunis a affirmé lundi à l'AFP, sous couvert d'anonymat, que dans plusieurs villes, des jeunes désoeuvrés étaient «payés 25 dinars (environ 18 $CAN) pour participer à des pillages et faire peur aux gens».

Signe que la tension demeurait en dépit d'une reprise de l'activité économique à Tunis, la police a brutalement dispersé lundi après-midi des dizaines de jeunes près du ministère de l'Intérieur, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Des blindés de l'armée étaient toujours positionnés près des grands axes du centre-ville et la capitale était encore soumise à un couvre-feu, dont la levée pourrait être examinée mardi en conseil des ministres.

Depuis Bruxelles, les ministres des Affaires étrangères européens ont renouvelé lundi leur soutien aux autorités de transition et annoncé le gel des avoirs de l'ex-président et de son épouse.

L'Union a aussi promis une aide pour l'organisation d'élections libres et la reprise des négociations afin d'accorder à la Tunisie un statut avancé, qui ouvre la voie à un traitement douanier préférentiel.

Le nouveau ministre tunisien des Affaires étrangères Ahmed Abderraouf Ounaïs est attendu mercredi à Bruxelles.