L'Office national du film (ONF) a consacré 422 064$ à la réalisation d'un documentaire de 42 minutes sur la création d'un tableau officiel remis par le Canada le 6 juin dernier à la reine Élisabeth II, à l'occasion de son jubilé de diamant.

Le film, intitulé Le portrait, a été intégré à un coffret souvenir tiré à 22 000 exemplaires, dont la majorité a été distribuée cet automne dans les écoles et les bibliothèques du pays.

Or, Patrimoine Canada a déboursé 85 000$ pour la création et la production du coffret, qui comprend deux autres films de l'ONF remontant aux années 50 et consacrés à Sa Majesté.

Au total, le coffret a donc coûté 507 064$ aux contribuables, somme à laquelle il faut ajouter environ 100 000$ pour le coût du tableau réalisé par le peintre Phil Richards.

La facture pour la production du film a dépassé de 33 067$ (8,5%) le budget initial, a appris La Presse en consultant des documents obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Des 22 000 coffrets, 18 892 ont été distribués gratuitement par Postes Canada dans les écoles et les bibliothèques; 200 autres ont été remis aux ambassades du Canada, alors que le reste est destiné à la vente. Deux distributeurs en ont acquis les droits pour la France et le Royaume-Uni.

Réalisé par Hubert Davies, le documentaire s'intéresse à la démarche créatrice de Phil Richards. On explique entre autres comment il a dû surmonter le fait que la reine n'avait pas des heures de pose à lui consacrer. À la fin, on suit M. Richards à Londres au moment de l'inauguration du tableau de trois mètres sur deux mètres, en présence du premier ministre Stephen Harper et du gouverneur général David Johnston.

Passé colonialiste

Dans une analyse rédigée en amont du film, on dit qu'une des forces de l'oeuvre tient au fait que «les Canadiens ont une fascination pour Élisabeth II et la famille royale». La diffusion du documentaire permettra «d'atteindre des centaines de milliers d'étudiants et de professeurs et de montrer les talents de l'ONF à d'autres organismes gouvernementaux», ajoute-t-on.

Mais on reconnaît une faiblesse. «Souligner l'attachement du Canada à la reine constitue un rappel de l'histoire coloniale du Canada anglais», lit-on.

D'ailleurs, une lectrice de La Presse travaillant en milieu scolaire nous a écrit pour exprimer son désaccord après avoir vu le DVD dans une école primaire. «Je trouve aberrant que tout cet argent soit investi à cet endroit. De plus, il est selon moi inutile que ces DVD soient distribués aux écoles, du moins celles du Québec», dit notre interlocutrice, qui requiert l'anonymat.

À l'ONF, la directrice des communications institutionnelles Lily Robert défend l'indépendance et la mission de l'institution dans ce projet. Le film n'est pas une commande politique et les fonds ont été pris à même les budgets de l'ONF, assure-t-elle.

«Ce film, comme plusieurs autres, fait partie de nos legs audiovisuels en regard de grands événements nationaux. Qu'on aime ou non la monarchie, elle fait partie de notre patrimoine et de l'histoire globale de qui nous sommes», dit Mme Robert.

Elle énumère une liste d'événements nationaux que l'ONF a mis en images au fil des ans: visites royales, Expo 67, Jeux olympiques, etc. «Le concept du coffret du jubilé se rapproche de ce que nous avions réalisé pour le 400e anniversaire de Québec», ajoute-t-elle.

Le budget annuel de l'ONF pour la production de documentaires, anglais et français, est d'environ 16 millions. La somme de 422 000$ représente 2,6% du budget.

L'ONF a produit ou coproduit 150 documentaires en 2010-2011 et 217 en 2011-2012. «La très grande majorité de nos productions n'est pas attribuée à ce type d'événement», dit Mme Robert, en référence au film Le portrait.

Ajoutons enfin que ce documentaire montre des photos de la reine en compagnie des présidents américains John F. Kennedy, Bill Clinton, George W. Bush et Barack Obama. Parmi les récents premiers ministres canadiens, on ne voit que Stephen Harper et Pierre Elliott Trudeau. Les Martin, Chrétien, Campbell, Mulroney et Clark sont absents.