L'isolement de Laurent Gbagbo, un des deux présidents proclamés de Côte d'Ivoire, s'est encore accru lundi avec l'imposition de sanctions de l'Union européenne (UE), au lendemain des accusations d'exactions «massives» portées par l'ONU contre son camp.

Choi Young-Jin, le chef de l'Onuci, l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire, a également dénoncé lundi l'accroissement des «actes hostiles» commis depuis le 15 décembre «par le camp du président Gbagbo à l'endroit de la communauté internationale, y compris le corps diplomatique».

Il a affirmé que depuis samedi, le camp Gbagbo avait, surtout la nuit, «commencé à envoyer des jeunes gens armés aux domiciles des personnels des Nations unies pour (...) demander la date de leur départ ou (...) pour y effectuer des fouilles sous prétexte de chercher des armes».

À Bruxelles, l'UE a décidé de sanctionner M. Gbagbo et 18 de ses proches dont son épouse, en leur interdisant de voyager sur son territoire.

Par la voix du président Nicolas Sarkozy, la France, ancienne puissance coloniale en Côte d'Ivoire, avait lancé vendredi un ultimatum à Gbagbo, l'enjoignant à quitter le pouvoir d'ici dimanche soir sous peine d'être frappé par de telles sanctions.

La décision de sanctions de l'UE survient au lendemain des accusations de la Haut commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, Navi Pillay, selon laquelle les violences contre des partisans du rival de Gbagbo, Alassane Ouattara, autre président proclamé, ont fait «plus de 50 morts» ces trois derniers jours.

Elle a dénoncé des «violations massives des droits de l'homme», évoquant en particulier des enlèvements commis de nuit par des «individus armés non identifiés en tenue militaire», accompagnés par des soldats et miliciens fidèles à Laurent Gbagbo.

Le ministre de l'Intérieur de Gbagbo, Emile Guiriéoulou, a rejeté ces accusations, parlant d'un «rapport partisan». «Les violences de ces derniers jours ont fait près de 14 tués par balles dans le rang des Forces de défense et de sécurité (FDS)» fidèles à M. Gbagbo, a-t-il affirmé à l'AFP.

L'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) a exhorté pour sa part l'ONU à «corser» le mandat de ses forces en Côte d'Ivoire face aux exactions contre les populations ivoiriennes.

«Nous voulons que l'ONU et la communauté internationale aillent au delà de ces condamnations et de ces déclarations pour agir de façon véritable sur le terrain et sauver le peuple de Côte d'Ivoire», a déclaré le porte-parole des FN à Bouaké, Félicien Sékongo, à l'issue d'un entretien avec les responsables militaires du détachement de l'Onuci.

Lundi matin, devant le siège de l'Onuci, un photographe de l'AFP a vu trois personnes venir se faire soigner par des médecins de l'ONU, affirmant avoir été blessées pendant la nuit dans des quartiers d'Abidjan.

Le Conseil de sécurité de l'ONU devait se réunir lundi pour étudier la prolongation de sa mission en Côte d'Ivoire au-delà du 31 décembre.

À Laurent Gbagbo qui a exigé le départ «immédiat» des Casques bleus, Ban Ki-moon, secrétaire général de l'ONU, a opposé une fin de non-recevoir et mis en garde le président sortant des «conséquences» que pourraient avoir des attaques contre l'Onuci.

L'AFP a constaté lundi la présence d'une dizaine de véhicules blindés à l'extérieur et dans l'enceinte de l'immense siège de l'Onuci, un ancien hôtel aux airs de paquebot.

La crainte d'attaques est renforcée par les appels à combattre pour «la dignité et la souveraineté de la Côte d'Ivoire» de Charles Blé Goudé, leader des «jeunes patriotes», fervents partisans de Laurent Gbagbo, qu'il est en train de lancer dans les quartiers d'Abidjan.

Devenu ministre de la Jeunesse de Gbagbo, M. Blé Goudé a été le fer de lance des violentes manifestations anti-françaises de 2003 et 2004 à Abidjan.